Fléau des pays en voie de développement, les faux médicaments s’insinuent également dans les circuits des pays industrialisés. La convention internationale Médicrime vise à pénaliser la contrefaçon et les infractions menaçant la santé publique.
« Les faux médicaments, c’est-à-dire des produits mis sur le marché dans l’intention de tromper l’acheteur sur leur composition, leur qualité, leur dosage ou leur efficacité, sont une réalité et un phénomène ayant des conséquences directes sur la santé publique dans les pays en voie de développement, affirme Yves Juillet, vice-président de l’Académie nationale de pharmacie. C’est aussi un risque potentiel important dans les pays développés. » Jeudi 21 juin, la Fondation Chirac présentait, à l’université Dauphine (Paris), la convention Médicrime, un texte dont elle a soutenu la rédaction par les membres du Conseil de l’Europe et signé à ce jour par quinze pays*. La convention érige en infraction pénale la contrefaçon de produits médicaux et les infractions similaires, avec une définition de la contrefaçon pour une fois détachée de la notion de droit de propriété intellectuelle. Elle vise également à uniformiser les outils juridiques, préventifs et répressifs dans les pays signataires, qui peuvent ne pas être des états européens.
Presque tous les pays en développement sont concernés par le commerce des faux médicaments. Le Kenya soupçonne ainsi que 30 % des médicaments en circulation sur son territoire seraient des faux ou des contrefaçons. En Angola, 60 % des molécules commercialisées seraient concernées. « C’est surtout le coût trop élevé des médicaments en officine qui ouvre la porte aux faux médicaments que les gens vont acheter dans la rue », souligne Célestin Tawamba, directeur d’un laboratoire pharmaceutique de produits génériques au Cameroun.
« La moitié des molécules vendues en ligne seraient falsifiées »
Mais, le problème concerne également des pays industrialisés. Aux Etats-Unis, la Food and drug administration (Ndlr : Agence fédérale des produits alimentaires et médicamenteux, FDA) alerte régulièrement sur la découverte de lots de médicaments contrefaits dans le circuit médical. Derniers en date : deux anticancéreux, découverts en février et avril dernier, l’Avastin et l’Altuzan. « 50 à 60 enquêtes sont ouvertes chaque année par la FDA », expose Yves Juillet. Au Royaume-Uni, en 2007, le National health service (Service de santé national, NHS) a découvert que 72 000 lots de produits contrefaits avaient pénétré la chaîne d’approvisionnement pharmaceutique officielle du pays, parmi lesquels un anticancéreux, un anticoagulant et un antipsychotique. Un quart des médicaments ont été consommés avant que les lots aient pu être rappelés par les autorités sanitaires britanniques.
Pour l’heure, la France – signataire de la convention - n’est pas vraiment concernée par le phénomène, son circuit de distribution officiel étant très sécurisé et le prix des médicaments contrôlé. « Mais, à l’avenir, il faudra faire attention aux tentatives de libéralisation du circuit, qui pourraient inclure une diminution des exigences, ou au développement des short-liners », met en garde Yves Juillet. Les short-liners sont des répartiteurs qui se concentrent sur quelques médicaments seulement, afin de faire de la marge, et ne respectent pas l’obligation de service public à laquelle sont soumis les grossistes répartiteurs.
Autre risque bien présent : les achats de médicaments sur Internet. « On estime en effet que la moitié des molécules vendues en ligne seraient falsifiées », avance le Pr Marc Gentilini, délégué général du programme pour l’accès à des médicaments et une santé de qualité de la Fondation Chirac.
Sandra Mignot
*Depuis octobre 2011, la convention a été signée par quinze pays (neuf pays membres du Conseil de l’Europe et six pays non-membres) : Allemagne, Autriche, Chypre, Finlande, France, Islande, Suisse, Italie, Israël, Portugal, Russie, Ukraine, Luxembourg, Danemark, Lichtenstein.