Les Français boudent les vaccins

21/11/2012

Les Français boudent les vaccins

Selon un premier état des lieux dressé par l'Institut de veille sanitaire, les objectifs de couverture vaccinale fixés par la loi sont loin d'être atteints. Au centre des préoccupations, la rougeole.

La loi de santé publique de 2004 recommande un taux de couverture vaccinale de 95% pour tous les vaccins, et de 75% pour la grippe. Des objectifs qui sont loin d'être atteints, à la lumière du rapport publié par l'Institut de veille sanitaire (InVS) mardi 20 novembre. Cette « première grande synthèse des données sur la couverture vaccinale en France » devrait permettre de mieux « orienter la politique de vaccination », selon Françoise Weber, directrice générale de l'InVS.

Verdict : seules les vaccinations contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite (DTP), la coqueluche et la HIB atteignent les objectifs fixés chez les moins de 2 ans, avec une couverture vaccinale de près de 98%. Si les jeunes enfants sont bien immunisés contre la coqueluche, ce n'est pas le cas des jeunes parents, pourtant incités à se vacciner pour protéger les bébés de moins de 3 mois : 21% des mères et 27% des pères sont vaccinés. « 70% des cas de coqueluches sont transmis par les parents », rappelle Jean-Paul Guthmann, épidémiologiste à l'InVS et auteur du rapport. De même, seuls 30 à 60% des adultes seraient à jour de leur rappel décennal du vaccin DTP.

Un risque d'épidémie de rougeole

Plus préoccupant : les enfants de 2 ans ne sont que 89% à avoir reçu la 1re dose du vaccin rougeole-rubéole-oreillons. Ils sont 61% à avoir reçu la seconde dose, contre 30% en 2006. « C'est insuffisant pour arrêter la transmission de la rougeole, alerte l'épidémiologiste. Il y a eu plus de 22 000 cas depuis 2008. » Bien que leur nombre ait diminué en 2011-2012, après un pic l'année précédente, « si la couverture vaccinale n'augmente pas, il y a un risque d'épidémie dans les années à venir », insiste Françoise Weber.

En ce qui concerne le vaccin BCG, qui n'est plus obligatoire mais recommandé aux enfants d'Ile-de-France, de Guyane et à ceux qui ont des antécédents familiaux de tuberculose, la couverture vaccinale est « bonne mais pas optimale », estime Jean-Paul Guthmann : si environ 75% des enfants franciliens nés en 2010 ont été vaccinés, la proportion chute à 60% des enfants de province suivis dans les PMI et à moins de 40% pour ceux suivis en médecine de ville. Une faible couverture « en partie due au changement de mode de vaccination », avec la disparition de la bague au profit d'une injection intradermique, plus difficile à réaliser. Un an avant la fin de l'obligation, « la couverture vaccinale avait déjà chuté de 50% », relève le scientifique. Cette chute n'a toutefois pas eu d'incidence sur le nombre de cas de tuberculoses déclarés chez les enfants de moins de 5 ans – environ 120 en 2010.

Le vaccin HPV peine à convaincre

La vaccination contre le cancer du col de l'utérus (HPV), recommandée aux jeunes filles de 14 ans, reste faible : 39% l'ont reçue. Interrogé sur les raisons de cette réticence, Jean-Paul Guthmann a évoqué le coût de ce vaccin, composé de trois doses coûtant près de 130 euros chacune, remboursées à 65% par la Sécurité sociale. L'enjeu est de déterminer « à quelle(s) catégorie(s) socio-économique(s) appartiennent les jeunes filles qui ne font pas vaccinées, a souligné Jean-Paul Guthmann. Si ce sont celles qui ne font pas non plus dépistées par frottis, la valeur de la vaccination est très faible. »

Avec 54% des plus de 65 ans et moins de 50% des personnes à risque protégées en 2010-2011, la grippe est la seule vaccination dont la couverture est non seulement insuffisante mais en baisse (1). « 63% des plus de 65 ans étaient vaccinés en 2008 et en 2009, avant la pandémie », note l'épidémiologiste.

Quant aux soignants, leur couverture vaccinale est supérieure à 90% pour les vaccins obligatoires mais inférieure à 50% pour les vaccins recommandés : coqueluche (11% des soignants vaccinés), grippe (25%), varicelle (26%) et rougeole (50%).

Manque de données

Pour les professionnels de santé comme pour la population adulte en général, le rapport de l'InVS pointe un « grand manque de données » sur la couverture vaccinale. Alors que le certificat de santé, les enquêtes en milieu scolaire et les données de remboursement fournies par l'assurance maladie permettent de dresser un état des lieux fiable de la couverture vaccinale des enfants et adolescents, il n'y a pas « d'outils de routine » pour mesurer celle des adultes, en dehors des grandes enquêtes ponctuelles. La nouvelle génération de carte vitale et le dossier médical personnel (DMP) pourraient  contenir, à terme, des données de vaccination. Des expérimentations sont également menées en Aquitaine autour du carnet de vaccination électronique, censé remplacer un carnet de santé trop souvent égaré par les adultes.

Aveline Marques


(1) Voir ici les données concernant l'hiver dernier, communiquées par le Groupement d'expertise et d'information sur la grippe.

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