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Le dossier sur les infirmiers de bloc opératoire (Ibode) ouvert en 2015, fait encore grincer des dents. La profession dénonce le nouveau projet de décret proposé par la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) visant la mise en place de nouvelles mesures transitoires pour la réalisation des actes exclusifs par des infirmiers non Ibode.
Le terrain d’entente semble inatteignable tant les rebondissements sont nombreux depuis 2015 (lire encadré). A l’origine, la problématique repose sur le nombre insuffisant d’Ibode pour faire face aux demandes de prises en charge au sein des blocs opératoires. Face à ce constat, des mesures successives ont été prises afin d’encadrer la pratique des infirmiers non Ibode. Dernière en date : un projet de décret de la DGOS, présenté devant le Haut conseil des professions paramédicales (HCPP) le 9 février, à la suite d’une injonction du Conseil d’Etat.
De nouvelles mesures transitoiresLe texte prévoit la mise en place de nouvelles mesures transitoires, afin de permettre aux IDE ayant exercé pendant, a minima, un an au sein des blocs opératoires à date de parution du texte, de pouvoir réaliser l’ensemble des actes exclusifs des Ibode, à condition d’avoir suivi une mise à niveau de 28 heures. « Ce texte est inadmissible et je l’ai d’ailleurs dénoncé lors de sa présentation devant le HCPP », martèle Magali Delhoste, présidente de l'Union nationale des associations d'infirmier(ère)s de bloc opératoire diplômé(e)s d'Etat (Unaibode). Et de poursuivre : « Pour le moment, il s’agit d’une coquille vide, qui ne précise ni la durée de cette nouvelle période transitoire, ni de quoi sont composées les 28 heures de mise à niveau. »
Infirmiers et établissements « tous perdants »L’Unaibode dénonce également l’inégalité entre les infirmiers, qu’engendrerait la parution du texte en raison de la multitude de réglementations se superposant pour exercer au sein des blocs : la formation à la spécialité Ibode de niveau Master, les mesures transitoires de 2019 avec une mise à niveau des IDE de 21 heures pour la réalisation de certaines compétences Ibode, et les mesures transitoires de 2023 avec 28 heures de mise à niveau pour réaliser l’intégralité des actes ibode. Sans compter que les infirmières des mesures transitoires de 2019 devraient suivre la nouvelle « mise à niveau » de 28 heures, pour pouvoir exercer l’intégralité des actes des Ibode, « ce qui les conduirait à avoir suivi une formation de 49 heures », pointe Magali Delhoste.
D’après l’Unaibode, les établissements ne sortent pas non plus gagnants avec ce texte, notamment ceux ayant respecté la loi et n’ayant pas fait travailler d’IDE non formées dans les blocs ; ils n’auront alors aucune infirmière à « présenter » aux mesures transitoires de 2023. Ces mêmes établissements devront également financer la formation de 28 heures aux IDE ayant bénéficié des mesures transitoires de 2019.
Pour l’association, il est temps de mettre un terme à cette situation et d’exiger des infirmiers exerçant désormais illégalement dans les blocs de suivre la formation Ibode de niveau Master. Car finalement, c’est là tout l’enjeu : rendre cette formation attractive. Une première mesure a été prise en ce sens puisque désormais les étudiants en soins infirmiers peuvent suivre cette spécialisation à la suite de l’obtention de leur diplôme d’Etat ; les deux années d’exercice professionnel n’étant plus exigées pour intégrer la spécialité.
Les membres du HCPP ont voté à 95 % contre le projet de décret amendé. Cependant, la DGOS a tout de même annoncé présenter le texte en l’état au Conseil d’Etat. La réponse de l’instance devrait être connue d’ici six mois.
Encadré : Rappel chronologique- 30 janvier 2015 : un décret relatif aux actes infirmiers relevant de la compétence exclusive des Ibode est entré en vigueur.
- En décembre 2016 : le Conseil d’Etat exige la mise en place de mesures transitoires afin de donner la possibilité aux infirmiers non Ibode mais exerçant dans les blocs, d’exercer certaines des compétences exclusives, celles du 1b du décret : « apporter une aide à l’exposition, à l’hémostase et à l’aspiration ».
- Le décret du 28 juin 2019 prévoit que les infirmières ayant au 30 juin 2019, au moins un an de pratique professionnelle à temps plein dans les blocs opératoires, et pratiqué régulièrement les actes du 1b, peuvent prétendre aux mesures transitoires à condition d’avoir suivi 21 heures de mise à niveau et validé une épreuve de vérification des connaissances devant un jury. Le dépôt des dossiers pouvait avoir lieu jusqu’au 31 décembre 2019.
- 1er janvier 2020 : la DGOS a confirmé que les infirmiers non Ibode n’ayant pas bénéficié des mesures transitoires ne peuvent pas pratiquer des actes exclusifs dans les blocs. Mais les Fédérations hospitalières du privé et l’Union des chirurgiens de France (UDCF) s’y sont opposés et ont déposé un recours devant le Conseil d’Etat soutenant que de telles exigences empêchaient le bon fonctionnement des blocs opératoires.
- Décembre 2021 : le Conseil d’Etat a enjoint la DGOS à revoir le texte des mesures transitoires afin de permettre aux infirmières dans les blocs de réaliser tous les actes exclusifs des Ibode.