Encore suivie massivement, la manifestation des Iade de ce mardi s'est achevée, après un parcours à rebondissements, sur la perspective de véritables négociations.
Plus de photos dans notre diaporama.
"Les conseillers et les techniciens, c'est bien, mais nous voulons passer à l'étape au-dessus. C'est aux politiques que nous voulons avoir affaire." Olivier Youinou, responsable Iade au syndicat Sud-Santé, ne croyait pas si bien dire au début de la manifestation de ce mardi. Le cortège a rassemblé, selon les organisateurs (Sud, la CGT et les collectifs locaux d'Iade, mais pas le Snia cette fois-ci) 3500 manifestants (1), couronnant une journée de grève suivie à près de 95%. Alors que Roselyne Bachelot n'est toujours pas intervenue en personne face aux représentants des Iade, ceux-ci se sont finalement invités au Quai d'Orsay auprès de Bernard Kouchner et Pierre Lellouche (secrétaire d'Etat aux affaires européennes).
A la clé, un entretien à l'hôtel Matignon, dont le déroulement a visiblement satisfait la délégation reçue par les services de François Fillon. "On a été entendus, écoutés", a salué Olivier Youinou à l'issue d'un entretien d'une heure avec le conseiller social du Premier ministre, Eric Aubry, et son adjoint David Gruson. Lesquels vont "appuyer pour que la réunion prévue le 14 au ministère de la Santé soit une véritable réunion de négociations". Avancée à l'issue de l'occupation des voies de la gare Montparnasse le 18 mai dernier (lire notre reportage, ainsi que L'Infirmière magazine n°261), ladite réunion devait être, comme les précédentes, une simple "réunion de travail".
Si l'engagement est suivi d'effets, les négociations qui s'ouvriraient lundi devraient donc porter sur quatre grandes revendications des manifestants:
- la reconnaissance au niveau master de la formation d'Iade, y compris pour ceux déjà diplômés;
- une revalorisation salariale uniquement indiciaire et non pas, pour partie, sous forme de prime;
- l'exclusivité de fonction dont bénéficient les seuls Iade au sein de la profession infirmière (les Iade font référence au volet 6 du protocole du 2 février dernier qui ouvre une porte à la validation des acquis de l'expérience);
- la reconnaissance de la pénibilité liée à la fonction d'Iade.
Entre Bleus et bleus, il faut chosir....
"Au-delà des problèmes techniques, nous avons signifié que depuis trois mois, nous faisons face à une absence de dialogue social, a commenté Bruno Franceschi, porte-parole du collectif Iade de l'Ufmict-CGT. La ministre préfère s'occuper des footballeurs plutôt que des acteurs [de la santé] au quotidien..." "De vraies négociations, ce serait des propositions du ministère, des discussions, des comptes-rendus, des rendez-vous multiples à venir, pas des tables rondes informelles", a-t-il précisé, estimant que Roselyne Bachelot "était au ministère" et que "si elle avait voulu nous rencontrer, elle aurait pu le faire".
En début d'après-midi, une première délégation avait été reçue au ministère de la Santé par deux représentants de la Direction générale de l'offre de soins (DGOS): Patrice Vayne, chargé de mission veille sociale et Emmanuelle Quillet, sous-directrice des ressources humaines du système de santé. Mais "le ministère n'a rien eu de plus à nous dire que le 3 juin, a déploré Olivier Youinou. On nous a demandé comme à chaque fois de reformuler nos revendications", après quoi la délégation a levé la séance.
Divergences syndicales
Lors de la table ronde de la semaine dernière, Yann Bubien, directeur de cabinet de Roselyne Bachelot, et Annie Podeur, directrice de la DGOS, avaient proposé (de façon informelle, regrettent les manifestants) de rétablir le différentiel entre les grilles IDE et Iade à 91 points bruts (70 INM), via un mélange de revalorisation du sommet de la grille indiciaire et des indemnités sous forme de prime de fonction et de résultat (PFR, individualisée). Le ministère avait rappelé, sur le principe, son attachement à l'exclusivité de compétences. Il avait cependant estimé que la reconnaissance au niveau master ne pourrait avoir lieu avant fin 2010, le temps de finaliser les discussions sur les pratiques avancées. Le Syndicat national des infirmiers anesthésistes (Snia), relevant des "avancées", avait alors appelé à "suspendre le mouvement jusqu'au 15 juin".
Les manifestants de ce mardi étaient décidés à ne pas en rester là. Après quelques débats stratégiques, le cortège a pris la route de l'Assemblée nationale au pas de course, puis a été stoppé à la hauteur du Quai d'Orsay par les matraques et les lacrymogènes des CRS... C'était sans compter une porte ouverte sur le côté du ministère des Affaires étrangères, par laquelle se sont engouffrés les militants. L'occupation des salons dorés du premier étage a pris fin après l'intercession par téléphone de Bernard Kouchner et Pierre Lellouche auprès du Premier ministre.
A l'issue de l'entretien à Matignon, le ton de la délégation avait changé du tout au tout. Même si des avertissements sont déjà lancés: "On n'est pas des perdreaux de l'année, on attend la convocation à cette réunion", estime Olivier Youinou. Quant à Bruno Franceschi, il glisse que "si les négociations périclitent", les Iade se feront entendre à nouveau.
Texte et photos
Nicolas Cochard
1- Sur quelque 7500 Iade en France. La police a compté, elle, 1500 manifestants.
A lire, deux compte rendus (assez différents) de la réunion de travail du 3 juin: par le Snia et par le collectif Iade national.
Des violences "inacceptables" pour le ministère
Face au ministère de la Santé, des heurts ont éclaté entre manifestants et gendarmes mobiles. Aux jets de pétards des militants et à leurs tentatives de forcer le barrage ont répondu les jets de gaz lacrymogènes des forces de l'ordre. Quatre manifestants ont été arrêtés puis relâchés dans la soirée sans poursuites judiciaires.
Par ailleurs, une infirmière a été blessée. Victime d'une luxation de la mandibule, elle est sortie de l'hôpital avec quatre points de suture, ont précisé les organisateurs.
Le ministère de la Santé a déploré ces événements, jugés "inacceptables" dans un communiqué de presse mardi soir: "Des éléments incontrôlés et extrémistes se sont livrés à des actes de violences. Des projectiles ont notamment été lancés contre la façade du ministère, mettant en danger de manière avérée, la sécurité des agents travaillant à l’intérieur des locaux."