Diffusé hier soir en première partie de soirée sur France 5, le documentaire «le blues des infirmières» a permis au grand public de mieux cerner le mal-être de la profession.
Mais comment surnommer les infirmières ? « Héroïnes du quotidien », version Nicolas Sarkozy ? Ou « bonnes sœurs du milieu médical », version Marina Carrère d' Encausse, qui avance que ce sont les infirmières elles-mêmes qui s’appellent ainsi… Question superflue ? Non : la profession vit une crise profonde, une crise de vocation. « Plébiscitées par les Français, négligées par les pouvoirs publics », comme on a pu l’entendre dans le documentaire diffusé hier soir sur France 5 (et visionnable sur le site Pluzz.fr), elles se précipitent toujours aussi nombreuses dans les Ifsi mais continuent aussi à quitter leur blouse.
Ras le bol généralisé
« Le blues des infirmières », le titre du documentaire réalisé par Géraldine Laura, résume bien l’état d’esprit général de la profession. Le panorama, résultat de rencontres d’infirmières hospitalières (à la Pitié-Salpêtrière et au CHU de Nantes) et libérales (à Nice et dans la Creuse), est édifiant. Trois infirmières au lieu de quatre pendant les vacances scolaires pour accueillir les patients de l’hôpital de jour de la Pitié-Salpêtrière où travaille Kathy ; un couloir des urgences de Nantes transformé en salle d’attente et de soins ; des visites à domicile et des soins hospitaliers effectués à la chaîne, sans avoir le temps d’échanger avec les patients ; les jours de congé qui passent à la trappe quand le personnel manque…
Les infirmières témoignent sans langue de bois. Et l’on se demande immédiatement : combien de temps tiendront-elles ? Car ce n’est pas le : « ça a toujours existé » de leur cadre de santé, censé expliquer que cet investissement est inhérent au métier, qui les soulagera. Pas plus que le constat poussif d’un représentant de la Direction générale de l’offre de soins se contentant de déclarer que « la dégradation des conditions de travail est un facteur comme un autre pour expliquer la survenue d’erreurs médicales et les dysfonctionnements. »
Système à bout de souffle ; infirmières au bord du burn-out. Jusqu’à quand ? La réponse n’est pas venue - mais cela n’est pas une surprise - du débat plutôt convenu qui a suivi la diffusion du reportage. La directrice de la DGOS, Annie Podeur a eu beau se fendre d’un : « mon rôle, celui du ministère peut-être, c’est de bien traiter les soignants »… peu probable qu’elle ait convaincu grand monde. Mais peut-être cette réponse viendra-t-elle des infirmières elles-mêmes ? La bonne audience de cette soirée - 5000 SMS envoyés durant l’émission, un record - et les témoignages de soutien de nombreux spectateurs ont en tout cas démontré une chose : leurs concitoyens ne sont pas indifférents à leur malaise.
Olivier Quarante
photo: © 17 Juin Media / Pulsations