Les infirmières françaises défendent leur formation

15/01/2013

Les infirmières françaises défendent leur formation

L'harmonisation de la formation en soins infirmiers au sein de l'Union européenne fait l'objet d'une bataille entre partisans et opposants d'un durcissement des conditions d'accès.

Des infirmières non bachelières. Treize ans après le processus de Bologne, qui a abouti à l'intégration de la formation en soins infirmiers dans le système licence-master-doctorat, l'idée paraît insensée. Cette perspective suscite, pourtant, de vives inquiétudes au sein de la profession, en France et en Europe. En cause : la révision de la directive européenne sur la reconnaissance des qualifications professionnelles, qui permet aux soignantes de librement circuler et travailler au sein des états membres de l'Union.

Actuellement, l'admission en formation en soins infirmiers requiert un minimum de dix années d'enseignement général – l'équivalent du niveau seconde, en France. Les 27 états membres sont libres de revoir leurs exigences à la hausse ; la plupart des pays, comme la France, ont ainsi conditionné l'admission à l'obtention du baccalauréat. Dans un souci d'harmonisation des formations européennes, mais aussi de reconnaissance de l’évolution de la profession et des responsabilités croissantes qui sont confiées aux infirmières, la Commission européenne a proposé de relever le seuil d'accès à 12 années d'enseignement général complétées.

« A contre-courant »

Une disposition retoquée par certains eurodéputés, qui ont amendé le texte. Motif : le durcissement des conditions d’accès irait « à l’encontre de l’objectif consistant à lutter contre le risque de pénurie de personnel qualifié », rapporte la députée européenne Anja Weisgerber. Surtout, il obligerait certains pays, au premier rang desquels l'Allemagne, à revoir leur système de formation. Outre-Rhin, la formation d'infirmière "technicienne" est, en effet, accessible dès l'âge de 16 ans.

Selon Didier Borniche, président de l'Ordre national des infirmiers, « il y a un intérêt économique derrière tout ça. Si on baisse les compétences, on peut baisser le salaire ». À terme, « il y aura un impact sur la qualité et la sécurité des soins, alerte-t-il. Des études ont montré que si on augmentait le nombre d'infirmières bachelières, on baissait la mortalité des patients et les infections nosocomiales. » L'ONI, en charge du contrôle des compétences des infirmières européennes venant travailler en France, s'inquiète également des disparités de formation au sein de l'UE. « Dans un certain nombre de pays, comme l'Allemagne, la transfusion sanguine est un acte médical », relève Didier Borniche.

Entériner l'existence de deux niveaux de formation va à l'encontre de l'harmonisation universitaire engagée par le processus de Bologne, ajoute-t-il. « Alors que partout dans le monde, on rehausse la formation, revenir à dix années de formation préalable, ce serait aller à contre-courant », s'étonne Gyslaine Desrosiers, présidente du Secrétariat international des infirmières et infirmiers de l'espace francophone (Sidiief). Pour l'ancienne présidente de l'ordre infirmier québécois, on ne peut pas « improviser une formation infirmière de qualité après la seconde ». Les sciences biologiques et médicales, le raisonnement clinique ne s'apprennent pas « sur le tas ».

Vote du Parlement en mai

Le texte sera voté le 23 janvier au sein de la commission du marché intérieur (1), avant d'être soumis aux parlementaires en séance plénière, le 22 mai. Pour contrer le lobby allemand, soutenu par les Pays-Bas, le Luxembourg et Malte, les organisations professionnelles se mobilisent pour alerter les parlementaires européens sur les enjeux de la révision de la directive. La Fédération européenne des enseignants en soins infirmiers (Fine Europe), le Sidiief ou encore le Conseil européen des ordres infirmiers ont tous plaidé en faveur du rehaussement à 12 ans du pré-requis à la formation en soins infirmiers.

Après un premier déplacement à Bruxelles, la semaine dernière, pour rencontrer l'eurodéputée française Bernadette Vergnaud, membre de la commission du marché intérieur, des représentants de l'ONI et du Cefiec (Comité d'entente infirmières et cadres) se rendront au parlement européen, à Strasbourg, ce mercredi 16 janvier, où se tiendra une réunion des rapporteurs des différentes commissions amenées à se prononcer sur la directive.

Aveline Marques



(1) Plusieurs commissions parlementaires sont appelées à se prononcer sur le projet de révision de la directive. Si la commission environnement, santé et sécurité alimentaire (ENVI) a voté en faveur du maintien d'un pré-requis de dix ans, c'est l'avis de la commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs qui primera.

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