Le musée de la Grande Guerre, situé à Meaux (Seine-et-Marne), propose jusqu’au 31 décembre, une exposition consacrée aux infirmières, héroïnes silencieuses de la Grand Guerre. Johanne Berlemont, responsable du service de la conservation et commissaire de l’exposition, en explique les objectifs.
Notre point de départ repose sur le fait qu’au début du 20e siècle, le métier d’infirmière n’était pas considéré comme une profession mais davantage comme un acte de charité chrétienne avec l’exemple des religieuses. La Première Guerre mondiale représente un moment clef dans l’histoire des infirmières, surtout du côté français. Elle est un premier pas vers la reconnaissance d’un métier véritable alliant connaissances médicales et savoirs des corps, même si les infirmières restent plus reconnues pour leur dévouement que pour leurs compétences. Car face aux besoins liés à la guerre, de nombreuses femmes bénévoles, volontaires et patriotes se sont engagées dans les associations telles que la Croix-Rouge pour soigner les blessés. Elles ne disposaient d’aucune expérience professionnelle et ont été formées de manière rudimentaire. Cependant, la guerre a gommé les différences de formation et de qualification, les « nouvelles » infirmières ayant faire preuve de bons sens et appris de manière empirique, auprès des plus expérimentées.
Avec cette exposition, nous avons voulu dépasser l’image stéréotypée de la profession afin de montrer que la guerre a bouleversé le métier avec notamment l’ampleur des femmes engagées, et l’évolution des compétences ou encore des pratiques de soins sur un temps court.
Comment est organisée l’exposition ?Nous l’avons structurée autour de trois grandes parties.
La première consiste à présenter les différents statuts des infirmières. La deuxième séquence est consacrée aux soins pendant la Grande Guerre. L’objectif est d’aller plus loin dans la description des soins techniques, car ils sont peu connus et peu présentés pendant cette période. Nous évoquons aussi la formation, les environnements de pratique, les lieux d’exercice des infirmières pendant la guerre, principalement dans les hôpitaux auxiliaires. Certaines étaient aussi présentes dans les zones des armées donc soumises aux bombardements. Tandis que d’autres s’occupaient des transports et de l’évacuation des blessés.
Enfin, la dernière partie de l’exposition est consacrée à l’imagerie de l’infirmière, c’est-à-dire à la manière dont elle est représentée dans la société de l’époque, à savoir comme l’archétype de la femme engagée et mobilisée. Elle bénéficie d’une forme de reconnaissance mais non sans moquerie avec d’un côté la figure de l’ange blanc et de l’autre davantage de légèreté car elle reste considérée comme « une femme avec ses faiblesses ». La fonction a été valorisée mais la reconnaissance a reposé uniquement sur les qualités humaines telles que le dévouement ou la charité, et non sur les compétences techniques. Très peu d’images ont réellement dévoilé et traduit ce qu’elles ont vécu notamment la fatigue, le doute, ce à quoi elles ont dû faire face. Cela explique aussi le choix du nom de l’exposition « héroïnes silencieuses ».
Que présentez-vous à l’exposition ?Nous proposons aux visiteurs de voir une partie de nos collections et celles des fonds de la Croix-Rouge Française. Nous avons aussi travaillé avec des familles, dont les aïeules étaient infirmières pendant la Guerre, qui ont conservé de la documentation. Les visiteurs peuvent ainsi voir des tenues de l’époque, des archives administratives, des affiches, des témoignages de femmes, du matériel médical. Nous brossons aussi le portrait de huit infirmières, des figures emblématiques ou anonymes, chacune avec des parcours de vie incroyable. L’histoire des infirmières n’a jamais fait l’objet d’étude approfondie. Cela fait plus de dix ans que je travaille sur le sujet de la Grande guerre, et j’ai découvert des destins de femmes jusqu’alors jamais mis en avant.
Informations pratiques
Exposition jusqu’au 31 décembre.
Le musée de la Grande Guerre - rue Lazare Ponticelli, 77100 Meaux.
Les infirmières bénéficient d’un tarif réduit – 5 euros au lieu de 10 euros, sur présentation d’un justificatif.