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Six organisations représentatives des infirmières puéricultrices alertent, dans une tribune rendue publique le 9 février, sur l’état de la pédiatrie en France. Elles réclament des mesures concrètes pour la profession et les enfants.
La nomination début février de Frédéric Valletoux en tant que ministre délégué chargé de la Santé et de Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l’Enfance, de la jeunesse et des familles, est l’occasion pour les six structures de rappeler les enjeux autour de la petite enfance. « Nous sommes dans l’attente d’actions concrètes depuis des mois, pour répondre aux différentes problématiques identifiées dans le cadre des travaux menés pour les assises de la pédiatrie et de la santé de l’enfant », regrette Peggy Alonso, infirmière puéricultrice, présidente de l’Association nationale des infirmièr(e)s puéricultrices(teurs) diplômé(e)s et des étudiants (ANPDE). Signataire, avec cinq autres représentants de la profession*, de la tribune « L'urgence d'agir pour la santé de nos enfants : le cri des infirmières puéricultrices et infirmiers puériculteurs », elle dénonce une « stagnation », qui reflète « un décalage flagrant avec les besoins actuels de la santé infantile ».
Les problématiques majeuresLes travaux préparatoires aux assises de la pédiatrie et de la santé de l'enfant, lancées fin 2022, ont mis en lumière, d’après les représentants de la profession, plusieurs problématiques majeures :
- une hausse de la mortalité périnatale liée notamment à des ratios « faibles voire inexistants » de professionnels spécialisés auprès des enfants ;
- des situations paradoxales avec des séparations de l’enfant et de ses parents y compris en néonatalogie, « bien souvent injustifiées », tandis que dans d’autres cas, le maintien à tout prix du lien est assuré, même dans des situations de violence. Des faits qui démontrent la nécessité d’une formation et d’un accompagnement adapté ;
- des situations de protection de l’enfance « qui explosent », avec non seulement un coût humain mais aussi un coût économique de plus de 9 milliards d’euros chaque année ;
- un parcours d’accompagnement des familles, de la conception jusqu’à l’adolescence de l’enfant, opaque avec des professionnels spécialisés peu nombreux, des services de prévention méconnus amenant rapidement une aggravation des situations ;
-la santé mentale des jeunes qui se dégrade avec, en face, une pédopsychiatrie laissée à l’abandon.
Des revendications concrètesFace à ces problématiques, les représentants des infirmières puéricultrices affichent plusieurs axes de revendications au premier rang desquelles la réingénierie de la formation des infirmières puéricultrices, pour répondre au mieux aux besoins des enfants. Les champs de compétences n’ont pas évolué depuis 1983, tout comme la réglementation de l’exercice de la spécialité. « Les spécialités infirmières ne sont pas associées au travail mené sur la refonte du métier socle infirmier, regrette Peggy Alonso. Aujourd’hui, nous travaillons de notre côté sur notre référentiel de compétences et d’activités sans pouvoir nous projeter sur le métier socle, ce qui reste compliqué. » La spécialité souhaite une formation en deux ans de niveau Master, au lieu d’un an actuellement.
Parallèlement à cette réactualisation des compétences, les représentants infirmiers plaident pour une amélioration des conditions de travail dans les services d'urgences pédiatriques, « au bord de l'effondrement, avec des équipes surchargées et des infrastructures insuffisantes ». Des investissements urgents sont nécessaires pour garantir des soins de qualité et maintenir les professionnels dans les services par une reconnaissance réelle et concrète de leur travail quotidien.
Enfin, les signataires de la tribune souhaitent la mise en œuvre d’une « politique de prévention efficace et réaliste pour les enfants », passant notamment par la valorisation, aujourd’hui inexistante, des actes de prévention en Protection maternelle et infantile (PMI) mais aussi en libéral, un mode d’exercice pour lequel il n’existe pas de cotation dédiée. « Nous sommes toujours dans un système médico-centré, alors que nous avons de moins en moins de médecins, rappelle Peggy Alonso. Les tutelles doivent tenir compte des autres professions. » A titre d’exemple, le dépistage du post-partum a été focalisé sur les sages-femmes, de même que les infirmières puéricultrices ne peuvent pas vacciner les enfants. « Il faut s’appuyer sur notre profession pour concourir à la santé de l’enfant dans tous les milieux », ajoute-t-elle. Et les représentants de la profession de conclure : « Les enjeux de santé infantile ne peuvent être relégués au second plan. Les décisions prises aujourd'hui auront un impact profond sur la vie de millions d'enfants et sur l'avenir de notre société. Nous demandons aux décideurs politiques, aux institutions de santé et à la société civile de se mobiliser pour relever ces défis. »
Laure Martin
* Comité d’orientation des Assises de la pédiatrie et de la santé de l’enfant ; Société de recherche des infirmières puéricultrices ; Comité d’entente des écoles préparant aux métiers de l’enfance ; Syndicat national des puéricultrices diplômées d’Etat ; Collège des infirmièr(e)s puéricultrices(teurs) ; Collectif Je suis infirmière puéricultrice.