Les infirmières scolaires donnent de la voix pour la catégorie A

10/12/2010

Les infirmières scolaires donnent de la voix pour la catégorie A

À études et diplôme identiques, les infirmières de l'Education nationale réclament l'égalité de traitement avec leurs collègues de la fonction publique hospitalière. Elles l'ont dit haut et fort hier dans les rues de Paris.

« Y en a ras l’bol de ces guignols, qui nous promettent le A et ne nous le donnent pas ! » Juchée sur le camion sonorisé du Snics-FSU (1), une jeune infirmière de l’Education nationale s’égosille dans un mégaphone. Tout autour, plusieurs centaines de ses collègues, certaines en blouse blanche, d’autres affublées d’un masque, reprennent en cœur les slogans revendicatifs.

En ce 9 décembre, les deux syndicats représentatifs de la profession, le Snics-FSU et le Snies-Unsa (2) qui représentent à eux deux près de 95% des infirmières de l’Education nationale, ont appelé à un congrès unitaire exceptionnel ainsi qu’à une journée de mobilisation nationale à Paris. Avec une revendication principale : le passage en catégorie A de la fonction publique, autrement dit l’alignement sur les infirmières hospitalières.

Engagements non tenus

« Nous avons eu des engagements le 23 mars du ministère de l’Education nationale qui prévoyait une sortie concomitante des décrets de la catégorie A » pour les infirmières hospitalières et celles de l’Education nationale, rappelle Béatrice Gaultier, secrétaire générale du Snics-FSU. Même Nicolas Sarkozy, d’abord en tant que candidat à la présidentielle, puis en tant que président de la République s’est engagé sur la reconnaissance de la profession, ajoute-t-elle. Or « depuis plusieurs mois, on nous promène, on traîne, on tergiverse. »

Tandis que les infirmières de la fonction publique hospitalière ont jusqu’au 31 mars pour choisir au cas par cas de rester en catégorie B ou de passer en catégorie A avec revalorisation salariale mais aussi recul de l’âge de départ à la retraite, les infirmières de l’Education nationale ne se voient toujours rien proposer. Ce qui pourrait avoir des conséquences dommageables à court terme sur le recrutement : « S’il n’y a pas de corps d’accueil de catégorie A en septembre 2011, le ministère de l’Education nationale sera dans l’incapacité de recruter des infirmières », prévient ainsi Béatrice Gaultier. En effet, beaucoup d’infirmières arrivent à l’Education nationale après avoir été détachées de la fonction publique hospitalière. Or rappelle Christian Allemand, ancien secrétaire général du Snics-FSU, « la loi permet la mobilité des agents entre les différentes fonctions publiques, mais seulement à égalité de catégorie ». Autrement dit, s’il n’y a pas de catégorie A à l’Education nationale d'ici là, impossible de recruter les hospitalières qui auront choisi cette catégorie.

1.500 ETP manquants

Pire, toutes les infirmières hospitalières qui sont actuellement dans leur année de stage préalable à leur titularisation dans l’Education nationale et qui choisiraient la catégorie A, ne pourront de facto pas rester dans la fonction publique d'Etat. Or celle-ci souffre d’une grave pénurie de soignantes. « Il nous manque déjà 1.500 équivalents temps plein (ETP), note Christian Allemand, et la proportion de collègues de plus de 50 ans est relativement plus élevée que dans la fonction publique hospitalière, ce qui fait que nécessairement on va avoir encore plus besoin d’infirmières. »

Dans tous les cas de figure, fait-il observer, la fonction publique devra pour le 1er septembre 2012 avoir publié un décret créant un corps d’accueil en catégorie A puisque les IDE qui vont sortir des Ifsis en 2012 et qui opteront pour une fonction publique seront obligatoirement en catégorie A parce qu’elles auront le grade de licence. « Vous ne pourrez pas faire travailler deux infirmières qui, pour les mêmes missions, les mêmes contraintes, les mêmes situations et le même diplôme d’exercice seront dans des catégories différentes. Tout le monde sait ça, mais on retarde pour économiser », dénonce Christian Allemand pour qui l’impact financier d’une revalorisation salariale accompagnant le passage en catégorie A des 7.571 infirmières de l’Education nationale, serait dérisoire sur le budget de ce ministère, « le plus gros de l’Etat », celui qui « la masse salariale la plus importante avec plus de 800.000 agents en catégorie A ». « Ce sont des économies de bouts de chandelles ! », renchérit Béatrice Gaultier.

Vers une spécialisation d'infirmière de l'Education nationale?

La question de la reconnaissance de ce mode d’exercice particulier qu’est celui d’infirmière de l’Education nationale est évidemment au cœur de la mobilisation, d’où l’absence de concurrence syndicale sur ce dossier de la catégorie A. « A même niveau de diplôme, il n’y a pas de raison » que le traitement soit différent, tempête Christian Allemand. En outre, « les infirmières scolaires travaillent au sein d’équipes éducatives dont les members sont en catégorie A », observe Béatrice Tajan, secrétaire générale du Snies-Unsa. « Or on a un même niveau de responsabilité, nous sommes dans la même position que les conseillers d’éducation par exemple. »

La reconnaissance est par ailleurs un enjeu majeur pour renforcer l’attractivité de la profession qui n’a aujourd’hui aucune perspective d’évolution de carrière. Après la déception du simple grade de licence « pas très satisfaisant » et la création d’un « petit A » à défaut de la catégorie A type pour les hospitalières, les infirmières se sentent méprisées, affirme Béatrice Tajan qui rappelle que son syndicat a travaillé main dans la main avec le Snics-FSU et une vingtaine d’autres organisations pour l’intégration de la formation infirmière dans le processus Licence-Master-Doctorat (LMD). Tous deux plaident d’ailleurs pour la création d’une spécialisation d’infirmier de l’Education nationale car « la formation initiale n’est pas suffisante pour répondre aux besoins et défis de santé », estime Mme Tajan.

Utilité sociale et engagement éducatif

Snics-FSU et Snies-Unsa dénoncent en choeur la contradiction entre les discours et les actes : « Si on dit que la santé à l’école, c’est important pour la réussite scolaire de tous les élèves, alors on va jusqu’au bout », plaide M. Allemand. Les équipes pédagogiques dans les établissements ne cessent de réclamer davantage d’infirmières scolaires et celles-ci peuvent se prévaloir du soutien du principal syndicat de chefs d’établissement, mais le « manque de moyens » reste « énorme au niveau des municipalités pour les écoles, Conseils généraux pour les collèges et Conseils régionaux pour les lycées, avec des postes non pourvus, du matériel que les infirmières n’arrivent pas à obtenir faute de budget, des infirmeries non informatisées », énumère Béatrice Martinez, secrétaire nationale adjointe du Snies-Unsa.

Pourtant l’utilité sociale de l’infirmière scolaire n’est plus à démontrer. « On est vraiment le premier acteur de santé de proximité. Dans les milieux défavorisés, les élèves viennent nous voir avant d’aller voir le médecin », note Béatrice Tajan qui souligne aussi l’importance « d’avoir des infirmières dans les zones rurales où l’accès au soin est difficile et le centre de planification est à 20 km ». En ce qui concerne la contraception d’urgence par exemple, « ce n’est pas à Paris qu’on distribue le plus de Norlevo®, mais dans les coins reculés ou dans les banlieues », constate-t-elle.

L’engagement éducatif des infirmières scolaires, dont les interlocuteurs quotidiens ne sont pas d’autres professionnels de santé, mais les services de la « Vie scolaire », est essentiel, insiste-t-elle : « On participe aux réflexions de nos fédérations syndicales, que ce soit sur le rythme scolaire ou la laïcité; on fait partie intégrante de l’enseignement. »

Texte et photo: Cécile Almendros

 

1 - Syndicat national des infirmier(e)s conseiller(e)s de santé - Fédération syndicale unitaire.

2 - Syndicat national des infirmiers et infirmières éducateurs de santé - Union nationale des syndicats autonomes.

 

 

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