Venues de toute la France, les infirmières scolaires ont battu hier le pavé parisien, pour réclamer la revalorisation de leur statut.
« Y en a ras le bol, de ces guignols, qui nous promettent le A, et qui nous le donnent pas ! » Martelée sous tous les tons, à grand renfort de sifflets et de banderoles choc, la colère des infirmières scolaires a résonné hier dans les rues parisiennes.
Venues de toutes la France, elles étaient 350 selon les forces de police, près de 600 selon les syndicats, à s’être rassemblées sous les fenêtres du ministère de la Fonction publique à Bercy, appelées à manifester pour la quatrième fois en deux ans par les deux principaux syndicats représentant la profession, le Snics-FSU et le Snies-Unsa Education.
Déterminées, remontées contre « ce ministère qui nous entube » comme le criait une de leurs banderoles, elles étaient venues réclamer cette catégorie A, « synonyme de revalorisation salariale et de reconnaissance de nos diplômes, puisque désormais le diplôme infirmier correspond au grade licence», comme l’a expliqué la secrétaire générale du Snies, Brigitte Accart. Une revendication d’autant plus justifiée, souligne la représentante syndicale, que « pour intégrer l’Education nationale, les infirmières doivent passer un concours très sélectif ».
Egalité de traitement !
Alors que leurs collègues de la fonction publique hospitalière ont, elles, obtenu la possibilité d’intégrer la catégorie A, les infirmières scolaires sont en effet toujours en catégorie B. Secrétaire générale du Snics, Béatrice Gaultier résume le ras-le-bol général : « Nous demandons simplement l’égalité pour toutes les infirmières de la fonction publique. Notre diplôme est le même que celui de nos collègues hospitalières, nous voulons donc, nous aussi, une juste revalorisation de notre statut. »
Les infirmières scolaires seront-elles entendues ? Elles l’espèrent bien ! Car jusqu’alors, les propositions ministérielles en la matière les ont plus que révoltées. Dernier avatar en date :
« On nous a parlé d’un décret, publié avant la fin de l’année, qui acterait effectivement notre passage en catégorie A… mais avec une grille d’application étalée dans le temps – sur dix ans ! », tempête Béatrice Gaultier. Un projet inacceptable pour la profession, qui réclame « la catégorie A, pour toutes, et tout de suite. » Un projet « sans queue ni tête », s’emportent les manifestantes. « Cela voudrait dire que certaines d’entre nous passeraient en catégorie A et d’autres non, pas tout de suite ?! Que les jeunes diplômées d’Ifsi, qui sont aujourd’hui automatiquement en catégorie A rétrograderaient en catégorie B si elles passaient et réussissaient le concours ?! Il y a de quoi marcher sur la tête ! » commente Annie, infirmière dans un lycée professionnel de l’académie de Versailles.
Les manifestantes d’hier n’entendent donc pas lâcher le morceau. Et elles sont prêtes à crier leur colère à tout le gouvernement, s’il le faut. « Car oui, pour mieux repousser les discussions, on nous balade de ministère en ministère. Dernier rebondissement en date : le Ministère de l’Education nationale a admis à demi mots la justesse de nos revendications. Et on nous a dit que le blocage venait du ministère de la Fonction publique. Et bien nous sommes là, sous ses fenêtres. Qu’il nous entende ! » clame Béatrice Gaultier.
Détermination à toute épreuve
En milieu d’après-midi, la réponse ministérielle aux manifestantes tombe : le cabinet du ministre, François Sauvadet, ne les recevra pas le jour même comme elles l’espéraient. « Une délégation intersyndicale sera reçue, mais dans huit jours seulement, le 15 novembre » annonce la secrétaire générale de la FSU, Bernadette Groison, venue apporter son soutien aux manifestantes. Huées, bronca dans les rangs du cortège. « La colère gonfle, c’est normal, explique l’ancien secrétaire général du Snics, Christian Allemand. Car la catégorie A, ce n’est pas seulement une affaire de revalorisation salariale, c’est aussi une question de reconnaissance sociale. Et une question de reconnaissance de notre responsabilité de soignants. »
Pour signifier leur détermination, les infirmières scolaires choisissent donc de clore leur journée de manifestation par une action coup de poing. Elles font mine de ranger leurs drapeaux, de s’en retourner tête basse vers chez elles… et filent, au nez et à la barbe des services de police, vers la gare d’Austerlitz. « On va essayer de bloquer le trafic SNCF, pour, enfin se faire, entendre ! » chuchotent-elles. En chemin, elles renoncent finalement à descendre sur les rails - « on n’est pas assez nombreuses » - mais n’abdiquent pas pour autant : pendant près d’une demi-heure, elles bloquent la circulation sur le rond-point face à la gare. Les CRS les délogent, presque interloqués : « Mais vous voulez quoi ? » La manifestation se disperse… mais les infirmières préviennent : « Si nous nous n’obtenons pas satisfaction mardi, ça va barder ! Nous ne lâcherons pas. »
Texte et photos
Emmanuelle Debelleix