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15/10/2021

Les jeunes éprouvés par le bruit au travail

À l’occasion de la sixième édition de la campagne nationale de la Santé auditive au travail, l’enquête Ifop-JNA pointe la forte sensibilité au bruit des jeunes. Des données qui vont à l’encontre des idées reçues.

« Le post-Covid a augmenté la sensibilité au bruit, notamment pour les personnes qui reviennent sur leur lieu de travail, précise le Pr Jean-Luc Puel, président de l’association JNA. Cela a surtout affecté les jeunes qui sont les plus touchés par les acouphènes et le stress. » En effet, les chiffres de la dernière enquête Ifop-JNA* sont sans appel. Là où l’on croit que la sensibilité au bruit au travail est l’affaire des plus de 50 ans, ce sont en réalité les moins de 35 ans qui expriment le plus fortement la gêne et ses impacts.

Les 24-35 ans subissent le bruit au bureau

Ainsi, 49 % des personnes interrogées déclarent être gênées par le bruit et les nuisances sonores au travail, et le taux atteint 54 % chez les 25-34 ans. Par ailleurs, 47 % des personnes qui sont en télétravail déclarent subir plus de bruit lorsqu’elles sont en présentiel au bureau, et ce chiffre atteint 50 % pour la tranche d’âge 24-35 ans. Enfin, pour les personnes qui sont revenues sur leur lieu de travail, notamment après les différents confinements, 34 % déclarent que leur sensibilité au bruit et aux nuisances sonores a augmenté. « Nous sommes dans une période de grandes transformations du monde du travail, souligne Romain Bendavid, directeur du Pôle Corporate et Climat social à l’Ifop. Le retour au travail se fait avec une forte hybridation et intègre une part plus ou moins importante de télétravail selon les accords dans les entreprises. »

Des nuisances en hausse

Les principaux impacts du bruit et des nuisances sonores sur la santé qui apparaissent dans l’enquête sont : la lassitude, la fatigue et l’irritabilité (60 %), le stress (55 %), les troubles du sommeil (43 %), la gêne auditive, c’est-à-dire la diminution momentanée de compréhension de la parole (43 %), les sifflements et bourdonnements d’oreille, à savoir les acouphènes (38 %), la souffrance psychologique (36 %), les surdités (33 %) et l’hypertension artérielle (32 %). On peut noter que tous les chiffres sont en forte augmentation par rapport à l’enquête de 2020. Dans ces résultats, là encore, les jeunes sont très impactés. Ainsi, 75 % des moins de 35 ans, dont 76 % des 25-34 ans, pointent au moins une répercussion du bruit sur leur quotidien contre 70 % pour l’ensemble de l’échantillon. Les personnes interrogées estiment que les principales difficultés auditives rencontrées lors des échanges concernent les échanges au téléphone, ceux en visioconférence individuels ou collectifs, et enfin ceux avec les proches.

Malaise social

Par ailleurs, 54 % des personnes qui subissent des nuisances du bruit au travail n’effectuent pas de démarche auprès de leur employeur ou d’un médecin. « Les nuisances du bruit sont davantage un problème d’ordre social que médical, ajoute le Pr Frédéric Venail, chef de service ORL au CHU de Montpellier. Il va falloir mener un travail collectif plus qu’individuel. Nous assistons à un malaise d’ordre social où la gêne est liée à la réadaptation à un univers professionnel. La mise en place de nouvelles façons de travailler va générer une prise de conscience. C’est un élément à ne pas négliger car il engendre stress et fatigue. Dans la période écoulée, nous n’avons pas constaté une hausse des consultations mais une exacerbation des acouphènes existants. »

Avoir une vision holistique

Mais les difficultés auditives demeurent un problème difficile à aborder. « Le problème de la surdité c’est que c’est un handicap non visible, confirme le président de l’association JNA. Bien sûr, il y a l’audiogramme mais il faut développer de nouveaux tests, notamment dans le bruit. Les problèmes auditifs sont très subtils, ils affectent la compréhension, la communication, les ordres au travail. Les premiers signes de déficit de l’oreille portent sur la compréhension dans le bruit au travail. Cela peut générer des conflits, des accidents du travail voire des situations où les collaborateurs s’isolent et perdent pied. » Pendant longtemps, le diagnostic se faisait par l’audiométrie tonale en négligeant l’audiométrie verbale. Désormais, il faut entendre et comprendre. Les entreprises, tous secteurs d’activité confondus, ont un rôle majeur à jouer car le bruit est une composante de l’environnement au travail. « Il est important de comprendre le problème de la surdité dans son ensemble en incluant différentes approches, poursuit-il. Il faut décloisonner la santé, les ressources humaines, la qualité de vie au travail et adopter une vision holistique pour comprendre les problèmes de surdité. » Un message qu’il va falloir faire entendre haut et fort.

Isabel Soubelet

* Enquête menée auprès d’un échantillon de 1 663 personnes représentatif de la population française active occupée âgée de 18 ans et plus, menée en ligne du 16 au 20 septembre 2021.

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