Les jeunes soignants cassent les clichés

Il y a des questions qu’on ne se pose pas, ou qu’on ne se pose plus. « Quelle est la première fois où tu t’es senti vraiment soignant ? », par exemple. Cette interrogation presque métaphysique faisait partie des thèmes abordés par La Fabrique des Soignants, média en ligne animé par de jeunes professionnels de santé de tous métiers, lors La nuit des jeunes en santé, une émission diffusée en ligne sur Twitch et sur YouTube le 28 février dernier. Cet évènement, qui marquait le lancement de la deuxième saison de la Fabrique, a été l’occasion pour de jeunes infirmiers, médecins, kinés, manip’ radio, etc., de montrer un visage bien différent de celui qui transparaît trop souvent dans les médias, y compris parfois dans le nôtre.

Car loin du portrait souvent déprimant que jour après jour, l’actualité dresse des jeunes générations de soignants, c’est une image souriante et confiante dans l’avenir qui s’est dessinée au long des deux heures et demie qu’a duré l’émission. Un exemple parmi d’autres : le regard pétillant de bonheur de Yanis, étudiant en soins infirmiers, quand il a raconté la fameuse première fois où il s’est senti vraiment soignant. Celui-ci a décrit une longue conversation (plusieurs heures !) dans la chambre d’une patiente hospitalisée pour des troubles dépressifs majeurs résistants. « Quelques jours après, l’interne est revenu vers moi, et m’a demandé si c’était moi qui avais discuté avec elle, se souvient Yanis. Il m’a dit que ça lui avait fait du bien. »

Ce moment d’émotion peut symboliser à lui seul ce qui s’est joué pendant cette Nuit des jeunes en santé où ces professionnels se sont ingéniés à se trouver toujours là où l’on ne les attendait pas. Ainsi, Yanis n’a pas choisi de décrire sa première perfusion, ou une prise en charge héroïque aux urgences. Il a choisi de parler du soin relationnel. « Quand on entre en formation, on a envie d’aider, c’est une réalité, tout est relation », a-t-il glissé, comme une évidence. Voilà qui change de la crise des vocations et de l’attractivité en berne bien souvent mises en avant quand il s’agit de parler des nouvelles générations de blouses blanches.

De la même manière, alors qu’on a tendance à déplorer le fonctionnement trop cloisonné du système de santé, chaque profession évitant soigneusement de sortir de son couloir, on a pu voir durant l’émission une interne en psychiatrie s’intéresser attentivement au quotidien d’un directeur d’établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux (D3S), une élève manip’ radio faire un éloge appuyé des secrétaires médicales… « On se connaît très peu, on ne se rencontre quasiment jamais, on a des clichés les uns sur les autres », a déploré Émylie Lentzner, jeune psychiatre et co-fondatrice de La Fabrique des Soignants, tout en démontrant par son comportement et son attitude la soif de l’autre qui l’habite.

Durant la suite des débats, les jeunes soignants se sont également montrés attentifs à la voix des patients, donnant la parole à leurs représentants, et ont donné à voir une belle volonté d’engagement collectif, que ce soit via l’implication dans des associations ou par la diffusion de contenus : podcasts, réseaux sociaux… Ni individualistes, ni démotivés, en quelque sorte. Pourvu qu’ils ne changent pas en vieillissant !

Adrien Renaud

Si vous voulez aider ce collectif, une cagnotte Ulule se termine vendredi 8 mars : https://fr.ulule.com/la-fabrique-des-soignants/​​​