Les infirmières indépendantes belges pourront bientôt déléguer certains actes à des aides-soignantes. Validée par arrêté royal, cette décision suscite la polémique parmi les professionnelles.
La Belgique aurait-elle un train d’avance sur la France ? A travers un arrêté royal entériné fin juillet par l’Institut national d’assurance-maladie invalidité (Inami) et le ministère de la Santé, nos voisins ont franchi une étape en matière de délégation de tâches.
Dès janvier, 18 actes infirmiers pourront être réalisés par des aides-soignantes, « sous contrôle de l’infirmier et dans une équipe structurée » : prendre le pouls et la température, prévenir les escarres, effectuer des soins d’hygiène à une stomie cicatrisée...
Dérives
Un projet pilote, mené entre 2008 et 2013, s’est avéré concluant selon les autorités. « L’aide-soignant ne peut accomplir ces activités que dans la mesure où un infirmier les lui a déléguées. L’infirmier peut, à tout moment, mettre fin à cette délégation », précise l’arrêté.
Pas de quoi apaiser la Fédération des infirmières indépendantes de Belgique (Fiib). « C’est un peu quelque chose qui nous est imposé, soupire la secrétaire, Karine Dethye. Cela rentre dans la politique des structures [de soins à domicile, ndlr], qui peinent à embaucher des infirmières car elles les paient mal et leur demandent un travail excessif. » Pour la Fiib, la délégation d’actes infirmiers répond à une logique économique risquée. « On a déjà constaté des dérives durant le projet pilote », poursuit Karine Dethye, évoquant le cas d’aides-soignantes effectuant elles-mêmes des injections.
Visites de contrôle
« L’infirmier doit passer régulièrement chez le patient, objecte Patrick Verliefde, conseiller faisant fonction à l’Inami. Des visites de contrôle sont prévues en fonction de son état de dépendance. » Un argument balayé par la Fiib, qui rappelle que les critères sur lesquels se fondent les autorités pour estimer la fréquence des visites ne tiennent compte que du degré de dépendance et non de la pathologie du patient. Or, bien qu'un patient diabétique soit autonome, l'expertise infirmière n’en demeure pas moins nécessaire pour surveiller ses pieds ou pour de l'éducation thérapeutique.
« Les aides-soignantes prennent plus de temps »
Pour sa part, l’Inami considère que le rôle de l’infirmière n'est pas remis en cause. « La responsabilité reste celle de l’infirmière qui délègue, insiste Patrick Verliefde. Les aides-soignantes sont capables de réaliser certains actes. Le suivi scientifique qui a été mené durant le projet pilote nous a d’ailleurs montré qu'elles prennent plus de temps chez le patient. » Ce qui, selon l’Inami, peut permettre à l’infirmière de se concentrer sur les soins complexes, mais aussi de répondre aux besoins grandissant en matière de soins à domicile.
Loin d’être convaincue, Karine Dethye souligne l’importance de la toilette, « clé d’entrée chez le patient ». « Cela nous permet souvent de déceler des problèmes », relève-t-elle.
Nul doute que l’Union générale des infirmières de Belgique (Ugib), qui doit se réunir fin août, se penchera sur la question. Des actions sont à prévoir. A se demander si ces discussions traverseront les frontières…
Marjolaine Dihl
Pour aller plus loin, lire L'Infirmière libérale magazine n°295, à paraître début septembre.