« Innégociable, inabordable. Retrait, retrait, retrait de la loi Bachelot ! » Le vent de contestation qui souffle dans le monde hospitalier s’est bien fait entendre hier à Paris, où plus de 10.000 manifestants, dont plusieurs milliers de médecins, étaient réunis dès 11h, pour dire non au projet de loi « Bachelot » (Hôpital, patients, santé et territoires).
Mobilisation médicale sans précédent
Plus de 20% des praticiens hospitaliers français ont suivi le mouvement de grève, selon la Direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins (Dhos). Cette mobilisation médicale sans précédent recouvre toutefois de fortes disparités : à l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), dont un des articles du projet de loi Bachelot met en cause le statut particulier, plus de la moitié (50,16%) des praticiens ont participé (grévistes absents sans compter les personnes désignées pour assurer le service minimum) contre moins de 10% (9,55%) au niveau national hors AP-HP.
Les médecins ont été nombreux à participer à la grève aux Hospices civils de Lyon (HCL, 23%) et au CHU de Lille (60%).
Chez les non-médicaux, très faible participation
En revanche, le taux de participation du personnel non médical a été très faible, s’établissant à 5,19% dans l’ensemble des établissements, selon la Dhos. Là encore, l’AP-HP s’est distinguée avec 10,23% de taux de participation, contre un ridicule 1,83% dans les CHU hors AP-HP (2% aux HCL, 0,53% à l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille).
Les chiffres de la mobilisation dans la rue varient selon les sources. Ils sont compris entre 8.000 (préfecture de Paris) et 18.000 (CGT Santé).
« De l’argent pour l’hôpital, pas pour le capital!» Les refrains scandés au rythme des tambours étaient relayés par les banderoles où l’on pouvait lire : « Hôpital en colère, y’en a marre de la galère », « L’hôpital n’est pas une entreprise, les patients ne sont pas des marchandises », ou encore « Pour la qualité et l’égalité de l’accès aux soins, défendons l’hôpital public ».
Médecins, infirmières, aides-soignantes et autres paramédicaux, personnels administratifs et techniques des hôpitaux publics, défilaient pour montrer le ras-le-bol lié aux conditions de travail. Leurs griefs ? Le travail en sous-effectif, les suppressions de postes, ainsi que la nouvelle répartition des pouvoirs dans la gouvernance hospitalière qui fait du directeur de l’hôpital le nouveau grand « patron », selon les médecins.
AP-HP très représentée
Le Mouvement de défense de l’hôpital public (MDHP) ouvrait la marche. En tête, les grands professeurs de médecine –dont beaucoup manifestaient pour la première fois- marchaient dignement, pendant que d’autres manifestants syndiqués Sud Santé, FO Santé, et CGT Santé, s’époumonaient un peu plus loin sur divers refrains. Quelques personnalités comme le très médiatique Patrick Pelloux, mais aussi Bernard Debré, René Frydman, et l’ensemble des médecins formant le MDHP étaient talonnés par les micros et les caméras des journalistes.
Parmi les hôpitaux descendus dans la rue pour défendre leurs intérêts, ceux de l’AP-HP tenaient le haut du pavé. Citons pêle-mêle Trousseau, Necker, Sainte-Anne, Bretonneau, Saint-Louis, Henri Mondor, Bichat-Saint-Bernard, l’Hôtel-Dieu, Raymond Poincaré, Robert-Debré, Sainte-Perrine, René-Muret, Louis-Mourier, Saint-Antoine, la Pitié-Salpêtrière, Avicenne, l’hôpital européeen Georges-Pompidou, Joffre-Dupuytren, Antoine-Béclère, Saint-Joseph, Broussais, et la maternité Jean-Rostand.
Cap sur le Sénat
Dans cette mer de blouses blanches, signalons les Hospices civils de Lyon, les praticiens des hôpitaux de Marseille, et l’Hôpital marin d’Hendaye qui ont fait le déplacement jusqu’à Paris pour dire non à la loi Bachelot.
Le projet de loi, que la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP) défend résolument, voyant en lui une « nécessité vitale » qui permettra « d’améliorer l’accès aux soins et de mieux répondre à la contrainte des ressources », sera examiné au Sénat à partir du 11 mai.
Carole Ivaldi