© M.-A. Meyer
IPA en santé mentale, secrétaire de l’Anfipa* et membre du conseil d’administration de l’Anfiide**, Marie-Astrid Meyer a porté la voix des infirmières lors des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie qui se sont déroulées les 27 et 28 septembre. L’occasion de revenir sur son intervention.
Quel message souhaitiez-vous faire passer lors de votre intervention aux Assises ?
Mon intervention s’est déroulée dans le cadre d’une table ronde consacrée aux liens entre les pathologies somatiques et psychiatriques. Mon objectif a été de mettre en avant le nouveau métier que représentent les Infirmières en pratique avancée (IPA), métier centré sur le patient. Notre rôle est d’être facilitateur pour les patients, leur famille et pour les professionnels de santé qui les prennent en charge. Nous avons des missions cliniques, dans le suivi des patients. Nous nous devons d’utiliser les recommandations de bonnes pratiques, d’intégrer la dimension familiale dans la prise en charge, d’échanger avec les aidants, qui sont les principaux concernés ou encore de former les soignants. L’IPA est un couteau-suisse et doit toujours s’adapter au contexte.
Avez-vous suggéré des évolutions pour les IPA ?
J’ai proposé d’organiser des formations « flash » dispensées par les IPA santé mentale auprès des soignants ne travaillant pas en psychiatrie, afin d’agir sur la déstigmatisation de nos patients lors de leur prise en charge dans des unités somatiques. Je pense qu’il serait aussi intéressant que l’IPA en santé mentale puisse aller à la rencontre des médecins généralistes afin de leur présenter les offres de soins en psychiatrie et ainsi faciliter les prises de rendez-vous. Enfin, j’ai suggéré la mise en place de consultations de prévention au sein des Maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP). Pour le moment, nous sommes rattachées aux médecins psychiatres pour le suivi de patient. Pour améliorer la qualité du parcours de soins et l’accès aux soins, peut-être faudrait-il innover en nous donnant aussi la possibilité d’être rattachées à des médecins généralistes.
Avez-vous le sentiment d’avoir été entendue ?
Oui, par certains. Je pense que le message est passé notamment parce qu’il s’insérait dans le cadre de ces Assises. Néanmoins, je pense qu’il faudra des années pour que les mentalités bougent et évoluent car notre métier est à la croisée de nombreuses autres professions et de compétences partagées. Il est important que nous trouvions notre place et que les autres professions de santé comprennent que nous ne sommes pas là pour prendre la leur. Nous avons tout intérêt, en tant qu’IPA, à rester humbles et à ne pas vouloir aller trop vite.
Êtes-vous satisfaite des annonces d’Emmanuel Macron ?
Le secteur de la psychiatrie part de tellement loin qu’il ne peut que s’améliorer. L’organisation de ces Assises montre déjà une réelle prise de conscience au niveau du gouvernement de l’état catastrophique de la psychiatrie en France. Comme l’a rappelé le président de la République, nous sommes passés de 120 000 à 40 000 places en psychiatrie en quarante ans, et ce n’est pas en deux jours que nous allons changer la donne. Outre la prise de conscience, il faut désormais que les mesures annoncées soient suivies d’effet. D’autant plus avec l’arrivée des présidentielles. Si l’on prend l’annonce des 800 postes en CMP, dont 400 en Centre médico-psycho-pédagogique (CMPP), cela va-t-il permettre un poste par CMP ? Comment les choix vont-ils être opérés pour décider des CMP qui pourront disposer d’un poste supplémentaire ?
Pour les IPA, la mesure 26 prévoit un financement pour former 540 IPA supplémentaires, ce qui est une bonne chose. En revanche, aucune mesure n’est actée pour les infirmières. Pourtant, il faut agir et rendre les postes attractifs car toutes les infirmières sont en train de partir. Et sans elles dans les services, il n’y aura pas d’évolution possible vers le statut d’IPA. Il faut agir sur l’attractivité du métier, la reconnaissance salariale mais aussi les impliquer davantage dans la recherche, dans les projets institutionnels. En prenant les infirmières en considération, elles auront l’envie de s’investir dans leur métier.
Propos recueillis par Laure Martin
* Association nationale française des infirmières en pratique avancée
** Association nationale française des infirmiers et infirmières diplômés d’État
LES PRINCIPALES MESURES POUR LA SANTÉ MENTALE
Les Assises de la santé mentale et de la psychiatrie représentent un coût global pour les finances publiques de près de 1,9 milliard d’euros sur cinq ans (soit environ 380 millions d’euros par an sur la période 2022-2026). Extrait des principales mesures annoncées à la clôture des Assistes de la santé mentale.
- Prise en charge pour l’ensemble de la population d’un forfait de séances chez le psychologue en ville. Financement : 50 millions d’euros dès 2022.
Prévention
- Mise en place d’un numéro national gratuit de prévention du suicide dès le 1er octobre. Financement : 21,6 millions d’euros en année pleine.
- Développement des premiers secours en santé mentale dans tous les secteurs de la société. Aujourd’hui 10 000 secouristes sont déjà formés. L’objectif est d’atteindre 60 000 en 2023 et 150 000 en 2025. Financement : 0,8 millions d’euros en 2022.
Enfance et adolescence
- Mise en œuvre la stratégie des 1 000 premiers jours et déploiement d’une offre de psychiatrie en périnatalité. Financement : 10 millions d’euros en 2021, à raison de 5 millions dédiés aux développement d’équipes mobiles (15 à 20 équipes ciblées) et 5 millions à des unités de consultations et d’hospitalisation parent-bébé (5 à 10 unités ciblées).
- Création d’une maison des adolescents dans chaque département. Financement : 5 millions d’euros en 2022 et 10,5 millions d’euros par an à partir de 2023.
- Création de 100 places en accueil familial thérapeutique sur deux ans. Financement : 2,5 millions d’euros en 2022 et 5 millions d’euros par an à partir de 2023.
- 400 ETP supplémentaires en 2022-2024, sur trois ans dans les centres médico-psychologiques infanto-juvéniles. Financement : 8 millions d’euros en 2022, puis 16 millions d’euros en 2023 et 24 millions d’euros par an à partir de 2024.
Adultes
- 400 ETP supplémentaires au profit des centres médico-psychologiques (CMP) en 2022-2024 sur trois ans. Financement : 8 millions d’euros en 2022, puis 16 millions d’euros en 2023 et 24 millions d’euros par an à partir de 2024.
- Création de 20 équipes mobiles pour la prise en charge des personnes âgées en Ehpad et dans les structures médico-sociales. Financement : 5 millions d’euros à partir de 2022.
Autres mesures
- Formation de 540 IPA supplémentaires (2 x 270). Financement : 3 millions d’euros en 2022 et 6 millions d’euros par an à partir de 2023.
- SAS : financement d’une régulation psychiatrique 24h/24 et 365j/365 effectuée par des infirmières de psychiatrie. Financement : 1,2 millions d’euros en 2022 et 2,4 millions d’euros par an à partir de 2023.
- Ssiad/Spasad : financement complémentaire de 100 équivalents temps plein de psychologues, soit 5 millions d’euros à partir de 2022.
Recherche
- Création de 12 postes d’enseignants chercheurs en psychiatrie supplémentaires entre 2022 et 2025.
- Création de l’institut de stimulation cérébrale et le centre e-CARE de prise en charge et de recherche sur l’enfant.
- Lancement d’un programme de recherche dans le domaine « santé mentale et psychiatrie ». Financement : 10 millions d’euros en 2022 et 2023.
À lire aussi
Lippler N., « Quels rôles de l’IPA en santé mentale dans la dépression de l’adulte ? », dans L’infirmièr.e n° 13, daté d’octobre 2021.
Laborde T., « À Lille, les usagers en santé mentale ont la parole », 2 juin 2021.
Caroline Coq-Chodorge C., « Le Printemps de la psychiatrie veut un renouveau du soin psychique », 21 mars 2019.