La journée nationale de prévention du suicide (JNPS) s’est déroulée le 5 février dans toute la France sur le thème « Lien social et prévention partagée : comprendre, entretenir, recréer ». Le même jour Santé Publique France publiait son baromètre(1) qui met en évidence une augmentation importante des pensées suicidaires et des tentatives de suicide au cours de la vie chez les 18-24 ans depuis dix ans.
Selon les résultats du Baromètre de Santé Publique France paru dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) du 5 février, en 2021, 4,2% des 18-85 ans déclaraient « avoir pensé à se suicider au cours des 12 derniers mois », 6,8% déclaraient « une tentative de suicide au cours de leur vie » et 0,5% « au cours de l’année écoulée ». Si parmi les 18-75 ans, la prévalence des pensées suicidaires et des tentatives de suicide déclarées dans l’année est en légère baisse depuis 2014, un élément marquant ressort. Il s’agit de l’augmentation importante des pensées suicidaires et des tentatives de suicide au cours de la vie chez les 18-24 ans, observée depuis une dizaine d’années. Des données qui viennent appuyer la détérioration de la santé mentale des jeunes adultes observée notamment à partir des données de passage aux urgences et d’hospitalisation.
De plus en plus de jeunes ont des pensées suicidairesIsolement, conséquences de la crise sanitaire, éco-anxiété, problèmes financiers, harcèlement scolaire, mal-être, vulnérabilité, perte de sens, décrochage… De plus en plus de jeunes ont des pensées suicidaires. Chez les 18-24 ans, la prévalence des pensées suicidaires dans l’année est apparue stable entre 2010 et 2014 puis a connu une augmentation de près de 4 points entre 2014 et 2021 passant de 3,3 % à 7,2% alors qu’elle est de 4,2 % pour les 18-85 ans. On voit que l’accélération est nettement marquée entre 2017 et 2020 passant de 4,6 % à 7,4 %. On note aussi très clairement que les femmes sont davantage touchées. La prévalence des pensées suicidaires survenues dans l’année a ainsi été multipliée par 3 chez les jeunes femmes de 18-24 ans entre 2014 et 2021 passant de 3,3 % à 9,4%. Chez les jeunes hommes, elle est passée de 3,6 % en 2017 à 7,1%, en 2021.
Même constat pour les tentatives de suicideEn 2021, 6,8 % des 18-85 ans déclaraient « avoir tenté de se suicider au cours de leur vie » dont 8,9 % des femmes et 4,5 % des hommes. Une fois encore on peut noter que, quelle que soit la tranche d’âge, les femmes sont davantage concernées par les tentatives de suicide au cours de la vie que les hommes. Et c’est aussi parmi les 18-24 ans que les prévalences sont les plus importantes : 9,2% déclaraient « des tentatives au cours de la vie » dont 12,8 % chez les femmes et 5,8 % chez les hommes. Santé Publique France rappelle que l’âge médian de la dernière tentative de suicide était de 24 ans pour les hommes comme pour les femmes. Chez les jeunes, on constate une nette dégradation depuis la crise sanitaire. En effet, la prévalence des tentatives de suicide au cours de la vie chez les 18-24 ans était stable entre 2000 et 2017, et a connu une augmentation de plus de 3 points entre 2017 et 2021, passant de 6,1 % à 9,2 %. La prévalence des tentatives de suicide au cours de la vie chez les femmes de 18-24 ans a augmenté de près de 6 points entre 2010 et 2021, passant de 7,1 % à 12,8 % tandis que celle des jeunes hommes a été multipliée par 2 entre 2017 (2,8%) et 2021 (5,8%).
Trouver et savoir à qui parlerConcernant la prise en charge, un peu moins de six personnes ayant tenté de se suicider sur dix (57 %) estiment avoir reçu le soutien nécessaire pour s’en sortir et 58 % ont affirmé s’être rendues à l’hôpital. Mais avant le passage à l’acte, des dispositifs existent. C’est le cas notamment en Région Sud où un Centre Régional de Prévention Suicide (CRPS) financé par l’Agence Régionale de Santé (ARS) a vu le jour depuis le 3 février 2023 à Marseille. En un même lieu, il regroupe trois dispositifs de lutte contre le suicide et la récidive suicidaire. On compte environ 2000 tentatives de suicide (TS) par an à Marseille et 4000 à 5000 dans les Bouches-du-Rhône. Dans la Région, 10 000 personnes pourraient être concernées. Sur un même site, on trouve VigilanS, un dispositif hospitalier de veille téléphonique pour les personnes suicidantes destiné aux adultes ; Asma, l’Association suicide et mal-être de l’adolescent, dispositif de veille téléphonique visant à la prévention de la récidive suicidaire chez les jeunes ; et enfin le numéro national 3114 (ouvert le 25 janvier 2023) dans le cadre d’un centre de jour qui répond aux appels de 9h à 21h.
Dans tous les cas, la prévention et la sensibilisation sont fondamentales. C’était l’objectif des 28èmes journées nationales pour la prévention du suicide qui ont eu lieu le 5 février. Elles ont cherché à sensibiliser et à mobiliser l'ensemble de la société autour des enjeux cruciaux de santé mentale.
Isabel Soubelet
(1) https://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2024/3/pdf/2024_3.pdf
L’enquête du Baromètre de Santé publique France mesure depuis 2000 et avec la même méthodologie la prévalence des tentatives de suicide (au cours de la vie et des 12 derniers mois) et des pensées suicidaires (au cours des 12 derniers mois) en population générale adulte. En 2021, un échantillon de plus de 24 000 personnes âgées de 18 à 85 ans a été interrogé en France métropolitaine et de 6 500 dans les départements et régions d'outre-mer (DROM) par collecte assistée par téléphone et informatique (Cati).