Pour se faire entendre, les sages-femmes des Lilas posent nues pour un calendrier. Une action originale et pleine de charme pour lutter contre l’abandon du projet de reconstruction de la mythique maternité.
« Cela fait quatre ans qu’on se mobilise et qu’on lance des actions, sans aucune reprise médiatique. Finalement, il faut qu’on se mette à poil pour que ça marche ! », se félicite Zina Hebbache, sage-femme à la maternité des Lilas (Seine-Saint-Denis). Avec dix de ses collègues, et le soutien de toute l’équipe obstétricale, elle a posé nue pour un calendrier qui sera prochainement mis en vente pour financer la poursuite des actions du comité de soutien.
« Nous avons fait ça pendant une garde pas trop chargée, avec notre kiné, Roland Leclerc, qui est également photographe, raconte la sage-femme. Pas sur un coup de tête, bien-sûr. Mais, nous sommes des femmes et nous nous battons avec notre corps de femmes pour une cause féminine. »
Se manifester par tous les moyens
Depuis 2011, en effet, la survie de cette maternité, pionnière dans l’application de la psycho-prophilaxie obstétricale - le fameux accouchement sans douleur - puis des principes de la naissance sans violence, est menacée. Son projet de reconstruction est dans les cartons depuis plus de sept ans. En 2009, le ministère de la Santé donnait son feu vert. Le programme de reconstruction-extension de la maternité, lui permettant d’étendre son activité et d’inclure de la chirurgie, était prévu dans le cadre du plan Hôpital 2012. Mais, en 2011, l’ARS arrêtait tout. Faisant volte-face l’année suivante, l’agence autorisait à nouveau les travaux en participant à leur financement. Dernier coup de théâtre : depuis juin dernier, les banques refusent à présent l’emprunt, pour cause de déficit chronique.
Il faut dire qu’avec son engagement en faveur de la physiologie et son centre d’orthogénie, des activités qui ne sont pas parmi les plus cotées dans la tarification hospitalière actuelle, et surtout sans possibilité de se développer, la maternité peut difficilement se redresser. L’ARS se retirant à son tour du projet, le comité de soutien à la maternité et le personnel ont donc décidé de se manifester par tous les moyens.
19 000 signatures
Au printemps dernier, un clip a été tourné sur une chanson composée par Catherine Ringer, des Rita Mitsouko. Une pétition en ligne a ensuite été lancée : plus de 19 000 signatures ont été recueillies. En juin, un campement était organisé devant le ministère de la Santé, qui s’est soldé par une étonnante proposition de la part de l’ARS : installer la maternité des Lilas dans les locaux désaffectés du service d’obstétrique du CHI de Montreuil.
« Si ces locaux sont désaffectés et que la maternité de Montreuil a été reconstruite, il y a de bonnes raisons », relève Zina Hebbache. L’équipe des Lilas a, néanmoins, pris le temps d’examiner le projet. « La disposition des locaux est totalement obsolète, il faut traverser les suites de couches avant d’arriver à la salle de naissance, explique la sage-femme. Il n’y a pas d’espace pour notre activité d’orthogénie, essentielle dans le dispositif des Lilas ; rien n’est pensé pour que les femmes puissent déambuler pendant le travail, se poser, prendre un thé. Il est clairement impossible de s’installer là-bas. »
La proposition de l’ARS ressemble donc à s’y méprendre à une fermeture déguisée. Dans une semaine, l’équipe devrait être reçue au ministère pour faire part de ses conclusions.
Sandra Mignot