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Depuis quelques années maintenant, la perte de sens des soignants est souvent pointée du doigt. Mais que recoupe ce terme ? Qu’est-ce que le sens ? Et comment redonner l’envie aux soignants de revenir travailler à l’hôpital ? Autant de questions abordées lors d’une conférence au salon infirmier le 25 mai.
Comme l’a si justement rappelé Patrick Castel, sociologue des organisations, la crise du travail ne concerne pas uniquement l’hôpital. « Dans la plupart des secteurs, nous observons des abandons de postes, du turn over, le recours à des intérimaires », a-t-il soutenu lors de la conférence. Et de poursuivre : « Il est intéressant de mettre en miroir la perte de sens du côté des salariés, des employés, des travailleurs, et ce que les employeurs pointent comme un manque d’engagement. » Ces deux aspects s’inscrivent dans un processus sociologique plus large avec un rapport de force qui a changé au profit des salariés. Une note de la Fondation Jean Jaurès, de décembre 2022, effectue d’ailleurs un parallèle entre la crise du travail et la crise de l’avenir. « Les auteurs ont fait l’hypothèse que la perte de sens doit s’analyser autour du contexte actuel de la guerre, de la crise environnementale, etc. a explicité Patrick Castel. L’avenir sombre incite les personnes à se replier sur le ″ici et maintenant″ faute d’avenir sur le long terme. » Ils ne sont donc plus près à accepter un certain nombre de contraintes. Un point marquant : les évolutions des organisations du travail observées pendant la crise sanitaire, avec davantage d’autonomie accordée aux soignants et une plus grande collaboration avec le management, n’a pas perduré post-crise. « A partir de l’automne 2020, de nombreux professionnels ont témoigné en disant qu’aucun enseignement n’avait été tiré de la crise, à regret », a-t-il souligné.
Comme l’a rapporté Teresa Valderas, chargée de missions Qualité de vie et des conditions de travail (QVCT) à l’Agence régionale pour l’amélioration des conditions de travail (ARACT) Auvergne-Rhône-Alpes et doctorante en sciences de gestion sur la valeur de la coopération autour des patients, certaines conditions doivent être remplies pour trouver du sens dans son travail. Tout d’abord une cohérence éthique, ce qui implique de pouvoir effectuer son travail en lien avec ses valeurs personnelles, et de pouvoir les partager avec ses pairs et ses patients. « Il faut aussi disposer d’un environnement de travail dans lequel on ressent une possibilité d’évoluer, d’être autonome, de disposer de lieux de coopération et de collégialité avec les autres », a-t-elle fait savoir. Une approche difficile dans un contexte de turn over important.
L’importance du patient-partenaireMarilyne Peyroche, présente à la conférence, est à la fois infirmière et patiente-partenaire. Atteinte de paralysie cérébrale, elle est suivie depuis ses 14 mois. « J’ai toujours observé ma prise en charge, elle a forgé mon approche des soins lorsque je suis devenue aide-soignante puis infirmière et formatrice », a-t-elle témoigné. Son parcours l’a amenée à devoir trouver sa place en tant que patiente et soignante, et à réfléchir à cette question du sens. « J’ai parfois perdu le sens de la raison qui m’avait amenée à exercer ce métier d’infirmière. Je me suis interrogée sur ma manière de soigner, afin de savoir si elle correspondait à celle que j’aimerais recevoir en tant que patiente », a-t-elle partagé. Devenir patiente-partenaire et accompagner à la fois les patients et les soignants, lui ont permis de redonner du sens à sa pratique soignante. « Lorsqu’on trouve des valeurs dans le soin, on a envie d’y rester », a-t-elle insisté.
En étant patient-partenaire, l’objectif est de faire équipe, de questionner les savoirs, les connaissances, de les partager pour améliorer les parcours de santé et la prise en charge des patients. « Cela permet d’être plus fort ensemble et de construire plus juste », a expliqué Marilyne Peyroche avant de conclure : « Cette co-construction n’est pas qu’une utopie. Elle devient une réalité car le partenariat avec les patients experts se développe de plus en plus. L’intérêt d’inclure cette nouvelle pratique de soin dans les formations, est de faire évoluer les cultures, pour passer d’une organisation hiérarchique à une organisation horizontale et construire le système de demain. »