Une enquête nationale auprès des services d’aide et de soins infirmiers à domicile met en exergue les problèmes éthiques auxquels sont confrontées les soignantes.
Mieux connaître les différentes modalités d’intervention auprès des personnes atteintes de troubles cognitifs et identifier les éventuelles difficultés, notamment d’ordre éthique et juridique. Tels étaient les objectifs de l’enquête nationale (1) menée en 2012 par la Fondation Médéric-Alzheimer auprès de 1166 services d’aide et de soins infirmiers à domicile (Ssiad) et Centres de soins infirmiers à domicile. Parmi les 80 000 personnes prises en charge, 29% étaient atteintes de troubles cognitifs -maladie d’Alzheimer ou apparentée.
La moitié des services confrontés à des cas de maltraitance
On apprend ainsi que 73 % des services déclarent rechercher l'assentiment des patients, même s'ils ne sont pas en mesure de formuler leur consentement à la prise en charge. Un quart recueille uniquement celui de la famille. 60 % des structures ont été parfois conduites à limiter la liberté de mouvement de la personne pour prévenir les chutes ou les fugues : en installant des barrières de lit et des sangles au fauteuil (41 %) ou en fermant la porte du logement à clé (36 %), à la demande de la famille.
Selon les résultats de l'enquête, 51 % des structures participantes ont été confrontées à des cas de négligence ou de maltraitance psychologique, physique ou financière. La négligence (manque de soins, privation de nourriture, de vêtements, d’aide ou de compagnie), quelle que soit son origine (famille, voisins-amis ou professionnels), est la forme de maltraitance la plus souvent citée (82%). Parmi les services qui ont déclaré avoir rencontré des cas de maltraitance ou de négligence, 218, soit plus du tiers, disent avoir procédé en 2011 à au moins un signalement de suspicion de maltraitance. Par ailleurs, 332 services de soins (28 % du total) « ont déclaré avoir alerté les services sociaux pour des cas d’isolement social de personnes aidées atteintes de troubles cognitifs ».
« Une prévenance particulière »
Si 94 % des services estiment que les relations avec les proches sont bonnes, des difficultés peuvent survenir quand ces derniers formulent des demandes contraires aux règles déontologiques ou légales de fonctionnement d'un Ssiad ou d'un CSI : ainsi, près de 25 % des services témoignent qu’il arrive, « souvent ou parfois », que des familles demandent aux intervenants d’effectuer des actions contraires à ces règles en leur communiquant, par exemple, des informations confidentielles.
Pour Emmanuel Hirsch, directeur de l’espace Éthique de l’AP-HP et de l’espace national de réflexion éthique sur la maladie d’Alzheimer, interviewé par L’Observatoire : « Le respect de la personne dans son environnement privé sollicite une prévenance bien particulière. Il convient d’adopter la juste position, tenant compte des habitudes, du rythme de vie, des attentes de la personne et de ses proches. La faculté d’adaptation est tout aussi importante que la discrétion, lorsqu’on intervient ainsi dans un lieu intime. » Une difficulté dont semble avoir conscience ces structures, puisque 84 % d’entre elles ont fait suivre, à tout ou partie de leurs intervenants, une formation spécifique pour la prise en charge des personnes présentant des troubles cognitifs.
Françoise Vlaemÿnck
1- Les résultats ont été publiés dans la lettre de L’Observatoire des dispositifs de prise en charge et d’accompagnement de la maladie d’Alzheimer n°26, datée de mars 2013.