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Faire émerger de nouveaux rôles dans le système de santé intégrant pleinement les IPA, un des objectifs des interventions de cette 8e édition des Journées nationales des infirmières en pratique avancée (JNIPA) qui a rassemblé près de 300 participants au ministère de la Santé début novembre.
5 ans, c’est peu à l’échelle du temps mais c’est déjà beaucoup à l’échelle des IPA. C’est ainsi que Perrine Boursin, présidente de l’Anfipa, IPA PCS à l’hôpital Fondation Rothschild de Paris a ouvert cette 2e journée des JNIPA, réunissant infirmières, IPA de toutes les mentions de France et des DOM-TOM, étudiants IPA, directeurs des soins, patients partenaires, médecins, cadres de santé, et responsables des ressources humaines.
« Ils sont déjà des milliers de patients à bénéficier de ces parcours de soins. Il est nécessaire de déployer la pratique avancée infirmière sur tous les parcours. Il est également nécessaire de consolider notre formation et de reconnaître cette pratique par son évaluation, par la communication et la valorisation financière. »
« FAIRE ÉMERGER DE NOUVEAUX RÔLES »
De son côté, Hélène Salette, directrice générale du Secrétariat international des infirmières et infirmiers de l’espace francophone à Montréal (Québec) est intervenue en tant que « grand témoin » pour faire part de son analyse : « il est essentiel de faire émerger de nouveaux rôles dans le système de santé et les IPA en font pleinement partie. Leur mission est considérée comme clé, partout dans le monde, pour répondre aux défis à relever. L’IPA peut être impliquée dans l’amélioration de la performance des systèmes de santé, en répondant au mieux aux besoins actuels et futurs, en offrant des solutions dont celui des meilleurs soins. » Et de poursuivre sur les 60 ans d’expérience de la pratique avancée dans le monde : « À l’heure actuelle, on dénombre plus de 78 pays à avoir « déployé » des IPA. C’est une véritable reconnaissance mondiale. Les gouvernements considèrent qu’il s’agit d’un vecteur essentiel de réforme et d’innovation. »
LA VALEUR AJOUTÉE DE LA PRATIQUE AVANCÉE
Hélène Salette souligne l’existence de nombreuses analyses systémiques en lien avec le rôle de l’IPA, qui démontrent des résultats aussi bons, sinon meilleurs parfois, que ceux dispensés par le médecin.
« La qualité est améliorée parce que les IPA fournissent des soins (notamment des soins primaires) de haute qualité, équivalents à ceux des médecins. Il en va de même de la gestion des maladies chroniques, de la prévention et du suivi régulier personnalisé et proactif, qui réduisent les complications à long terme, précise-t-elle. Et ce n’est pas moi qui le dis, je m’appuie sur des analyses scientifiques. »
Les patients souhaitent davantage qu’un diagnostic et un traitement. Ils veulent être connus, reconnus et soignés à long terme. Or les IPA, de par leur formation, prennent plus de temps et accompagnent davantage les patients afin de mieux comprendre leur situation. Par un suivi rigoureux, le nombre d’hospitalisations est réduit, l'accès aux soins est amélioré, les coûts sont diminués. En somme, la pratique infirmière avancée est une solution éprouvée pour améliorer les résultats de santé et renforcer la résilience des systèmes de santé tout en offrant des soins de qualité accessibles et économiquement viables.
LES LEVIERS DE SUCCÈS
« Il faut reconnaître le rôle des IPA et leur contribution positive aux soins et il est important de renforcer leur position dans les équipes », poursuit Hélène Salette. L’IPA doit avoir un type de pratique bien établi et des conditions de rémunération équitables qui augmentent l'attraction et favorisent la rétention. Le cadre législatif se doit d’être clair, définissant correctement le rôle et les responsabilités de l’IPA. Ceci afin de légitimer sa pratique et de permettre son intégration dans le système de santé. Pour Hélène Salette : « Ceci nécessite des politiques de santé qui soutiennent l'intégration, l'autonomie des IPA, la reconnaissance de leur champ de pratique et de leur plus haut potentiel au sein des équipes. »
DÉCONSTRUIRE LES A PRIORI
« J’ai entendu de nombreuses rumeurs affirmant que les IPA prescriraient trop et que cela coûterait trop cher, confie-t-elle. Or tous les modèles internationaux démontrent une maîtrise des coûts. Aux États-Unis, par exemple, les IPA ont un droit de prescription et les coûts de santé n'ont pas augmenté de manière significative. Au contraire, cela a permis d'optimiser les dépenses, en partie grâce aux soins de proximité. Vous êtes des infirmières et, par conséquent, êtes habituées à rencontrer des patients et à faire des interventions qui, dans un premier temps, sont non pharmacologiques. Des études ont montré qu'avant de prescrire, les infirmières utilisent toutes sortes d'alternatives, prennent le temps de comprendre la situation dans laquelle évolue le patient afin d'éviter les prescriptions inutiles. Il ne faut en aucun cas accepter de vous faire dire que les infirmières en pratique avancée vont trop prescrire. C'est un a priori qui n'est pas prouvé scientifiquement. »
Hélène Salette rebondit sur une autre phrase récurrente au sujet de la primo-prescription : « s'il y a plus de prescripteurs, il y a plus de prescriptions. »
Cette réalité doit être pensée, vue, reconsidérée, comprise dans un contexte global de parcours de soins. « S'il y a plus de prescripteurs, il y a moins de délais. Le législateur vous a bien demandé de prendre en charge rapidement les patients, c’est-à-dire d'accélérer la prise en charge. Si vous accélérez la prise en charge, vous voyez davantage de patients et il se peut qu'il y ait plus de prescriptions. »
Si le volume de prescription peut augmenter, cette dynamique est accompagnée d'un impact positif global. Les patients bénéficient de soins plus rapides et plus efficaces : le système de santé est désengorgé et le coût lié aux complications et aux soins diminue.
« Je pense qu’en France, le système de santé peut tirer parti de cette opportunité, conclut Hélène Salette. Il faudra évidemment lever des contraintes liées à des politiques, des réglementations et des barrières culturelles, notamment en ce qui concerne le champ d'application de la pratique avancée. »
RDV les 13 et 14 novembre 2025 à Paris pour la 9e édition des JNIPA.
Élise Kuntzelmann