L’Afssaps a rendu publique une liste de 77 médicaments « sous surveillance », semant involontairement la panique chez certains patients. Rappel : il est dangereux d’interrompre les traitements sans avis médical.
Les 12 000 médicaments commercialisés en France sont surveillés dans le cadre de la pharmacovigilance. Le problème, aujourd’hui, c’est que la liste des produits auxquels l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) consacre son attention a été diffusée, fin janvier, sans aucun message d’accompagnement. On y trouve pêle-mêle des vaccins, une pilule du lendemain, certains médicaments déjà retirés du marché et d’autre prochainement interdits de vente en France, dont le Fonzylane. Pas de scoop : certains de ces 77 médicaments font partie d’une liste déjà connue depuis plusieurs années de 59 médicaments qui sont sous surveillance dans le cadre d’une procédure appelée « plan de gestion des risques ». Faisons donc le point.
Pourquoi a-t-on diffusé cette « liste des 77 » auprès du grand public ?
L’affaire du Mediator a montré qu’il fallait améliorer la transparence sur la manière dont les médicaments sont surveillés. Tous les médicaments le sont mais certains davantage, soit parce qu’ils sont nouveaux, composés de molécules nouvelles ou parce qu’on s’interroge sur leur effet à long terme, soit parce que l’on ne sait pas comment ils vont être utilisés (respect des doses prescrites ?), soit encore parce qu’ils pourraient entraîner plus d’effets indésirables que prévu, testés sur un plus gros échantillon… Ces médicaments étaient sous surveillance avant le scandale du Mediator.
Une opération de com’ pleine de maladresse ?
La publication de la liste est un « balbutiement maladroit d’une agence habituée aux relations confidentielles avec les firmes et non à la communication publique avec les patients, d’une agence centrée sur la réglementation et non sur les soins », comme le dit très bien le rédacteur en chef de la revue indépendante Prescrire. Le fait de surveiller ne représente pas, en soit, un facteur d’inquiétude. L’Afssaps travaille actuellement à l’amélioration de la lisibilité, en termes de niveaux de risque, de cette liste afin qu’elle soit mieux comprise par le public.
Mon patient souhaite arrêter immédiatement son traitement. Que dois-je lui conseiller ?
Pas question pour les malades d’arrêter leur traitement parce qu’il figure dans la liste. Seul le médecin peut décider de modifier ou d’interrompre la prescription. Invitez-le à en discuter lors de sa prochaine visite. Beaucoup de ces médicaments sont considérés comme indispensables (anti-rétroviraux, chimiothérapie, hormones thyroïdiennes). Cette liste n’est pas une liste noire.
Certains antidouleurs sont-ils retirés du marché au 1er mars ?
Oui, le dextropropoxyphène, présent dans le Di-Antalvic, le Propofan et leurs génériques, ne sont plus commercialisés au 1er mars, en raison d’une balance bénéfice/risques défavorable pour laquelle l’Agence européenne du médicament (Ema) avait sonné l’alerte à la fin du mois de juin 2009. En effet, aucune étude clinique n’établit que l’association du dextropropoxyphène au paracétamol soit supérieure au paracétamol seul dans le traitement de la douleur. De plus, la différence entre dose thérapeutique et dose toxique n’est pas suffisamment importante pour garantir la sécurité des patients. Inutile de s’affoler : les retraits de médicament ou les arrêts de commercialisation sont chose régulière. À chaque fois, il s’agit de savoir si l’équation bénéfice/risque est favorable au patient.
Vers qui se tourner pour obtenir des informations sur les médicaments ?
Comme pour tout traitement, ayez le réflexe d’en parler avec le médecin traitant, le pharmacien, et n’hésitez pas à consulter le site Internet de l'Afssaps, qui comporte une partie dédiée aux professionnels. En cas de doute, vous pouvez appeler votre centre régional de pharmavigilance ou le centre anti-poison.
Un patient peut-il alerter directement l’Afssaps ?
Aujourd’hui, les signalements de pharmacovigilance sont placés sous la responsabilité des médecins, des pharmaciens et des industriels. Mais demain, les patients devraient pouvoir télécharger un formulaire sur le site de l’Afssaps et ainsi signaler eux-mêmes un médicament qu’ils estimeraient dangereux.
Candice Moors
NB : cet article a bénéficié de la relecture et de la validation de l’Afssaps pour sa parution dans L’Infirmière libérale magazine n°268.