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Les membres de l’Académie de médecine ont partagé, mi-février, leur position sur la loi Rist, remettant en cause les mesures adoptées accordant de nouvelles compétences aux paramédicaux. Un discours qualifié de « corporatiste » et de « rétrograde » par les représentants infirmiers.
« Se passer du diagnostic médical doit rester une exception ». C’est en ces termes que l’Académie nationale de médecine a introduit son point de vue sur la loi du 19 mai 2023 dite loi Rist, portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé. Pour rappel, la loi Rist, dont les décrets d’application ne sont pas encore parus, permet à des professionnels de santé paramédicaux, dont les Infirmières en pratique avancée (IPA), les kinésithérapeutes ou encore les orthophonistes, de prendre en charge des patients, de prescrire des examens complémentaires et des produits de santé ou encore de pratiquer leur art, dans des cas où la prescription par un médecin ne serait plus obligatoire.
Limiter le non-recours à la prescription médicaleUne avancée qui n’est pas au goût des membres de l’Académie de médecine, qui ont tenu à rappeler dans leur communiqué que « la prescription médicale n’est pas une formalité de nature administrative » mais « le résultat d’une démarche accomplie par le médecin, qui repose sur l’écoute du patient, et l’analyse individualisée approfondie de ses symptômes et de sa situation » permettant d’établir un diagnostic médical. Elle est donc « l’aboutissement d’un processus intellectuel dont la conduite tire parti du fait que le médecin, après au moins neuf ans d’études, possède un important savoir théorique et pratique et dispose, avec le temps, d’une expérience croissante et de connaissances en permanence remises à jour ». Cette démarche, qui n’est « pas simple », peut s’avérer « inefficace » voire « néfaste » si les décisions n’ont pas été prises dans le cadre « de l’analyse intellectuelle ayant conduit au diagnostic médical ». Pour les membres de l’Académie nationale de médecine, la mise en route de soins à visée curative, en particulier de nature médicamenteuse, sans prescription médicale ne peut se concevoir qu’en cas d’indisponibilité d’un médecin, de risques minimes d’effets secondaires de la thérapeutique envisagée et d’évaluation médicale, après une période déterminée et répétée, de toutes les procédures ainsi engagées ; l’obligation de prescription préalable devant rester la règle pour la sécurité sanitaire des patients.
L’Unipa et l’Oni vent deboutFace à cette prise de position, l’Union nationale des infirmier.es en pratique avancée (Unipa) et l’Ordre national des infirmiers (Oni) ont rapidement fait part de leur déception dans leur communiqué respectif. Les deux organisations dénoncent et regrettent le « corporatisme » dont fait preuve l’Académie de médecine. Elles mettent en avant la nécessité de répondre aux demandes de soins des patients, face à la désertification médicale prégnante et croissante, en s’appuyant sur les compétences des autres professionnels de santé formés, notamment les IPA. Il est « indispensable que les professionnels de santé se mobilisent ensemble pour apporter des solutions concrètes sur le terrain », soutient l’Oni, avant de compléter : « Cette loi [Rist] a ouvert la porte d’une valorisation et d’une montée en compétences plus importante des infirmiers, qui devra être concrétisée dans le cadre de la réforme du décret infirmier actuellement en discussion. »
Pour l’Unipa, la loi Rist représente une avancée significative en permettant aux professionnels de santé paramédicaux qualifiés de fournir des soins de qualité et des traitements appropriés, en collaboration avec les médecins, et sans remettre en cause l’importance du diagnostic médical. Elle rappelle que les IPA possèdent « les compétences et les connaissances nécessaires pour évaluer et traiter de nombreux cas en pleine autonomie et responsabilité », acquises par les formations suivies.
L’Oni comme l’Unipa appellent ainsi à la mise en place d’un dialogue interprofessionnel pour aboutir à un système de santé plus efficace et accessible à tous.
Laure Martin