Lutter contre les dérives sectaires dans la santé | Espace Infirmier
 
Lutter contre les dérives sectaires dans la santé

13/04/2012

Lutter contre les dérives sectaires dans la santé

Alors que s’est ouvert, mardi 10 avril, devant le tribunal correctionnel de Paris, le procès d’un « humanothérapeuthe » accusé d’avoir persuadé à tort une patiente qu’elle avait été violée enfant, la Mission de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires publie un guide pratique pour alerter professionnels de santé et particuliers sur ces mouvements qui gangrènent la santé. Samir Khalfaoui, conseiller santé pour la Miviludes, évoque le rôle des soignants.

Comment a-été élaboré ce guide pratique ?

Samir Khalfaoui : Avec le docteur Dumont, nous avons rencontré tous les ordres pour connaître leur vision, leurs expériences des dérives sectaires sur le terrain. On s’est aussi basé sur les signalements des particuliers et ceux faits auprès des ARS. Ce guide, publié à La Documentation française, sera diffusé auprès de toutes les institutions, de tous les services susceptibles d’être confrontés au problème : ARS, préfectures, parquets, syndicats de professionnels, ordres…

Dans quelle mesure la santé est-elle touchée par les dérives sectaires ?

25 % des signalements de dérives sectaires concernent la santé*. Mais ce chiffre est largement sous-estimé. A mesure que la Miviludes est connue, les signalements sont de plus en plus nombreux. Les gens ont de plus en plus besoin d’être écoutés, ils sont en demande de bien-être, de confort. Et, pour certains, se tourner vers ces pseudo-thérapeutes est une solution. Ils tombent parfois entre les mains de gens mal intentionnés.

Quelles sont les pratiques les plus répandues ?

Ce sont les méthodes psychologisantes. Beaucoup de gens aujourd’hui s’autoproclament thérapeutes, c’est une façon de mettre les gens en confiance. C’est plus facile de jouer sur le psychique, de dire que telle maladie est liée à l’inconscient ou à la famille du malade. Mais, il y a souvent plusieurs pratiques en même temps.

Est-ce que les professionnels de santé, notamment les infirmiers, peuvent eux-mêmes être touchés ?

Nous avons eu quatre cas de signalements qui concernaient l’introduction de modules de formation à des pratiques non conventionnelles à visée thérapeutique (PNCAVT) dans les Ifsi. Les établissements expliquent que c’est pour informer les étudiants sur ce qui se fait. Mais, en Bretagne par exemple, le formateur, spécialiste de la médecine chinoise – ce qui ne veut rien dire - n’avait aucun diplôme reconnu. Et ça, c’est inadmissible.
Il y a également beaucoup d’infirmiers diplômés qui créent un blog ou un site internet sur des techniques de bien-être, de « rééquilibre des énergies », où l’on se rend compte que ce sont en fait des pratiques limite sectaires. Ils mettent en avant leur DE pour que les gens soient mis en confiance.

Comment pouvez-vous agir face à ce genre de situations ?

Créér un site internet, c’est la liberté de chacun. On intervient à partir du moment où il y a une manipulation mentale, des demandes financières importantes, que la personne est coupée de sa famille. On fait un signalement auprès du procureur de la République et également auprès de l’ARS si un établissement hospitalier est concerné.

Quel est le rôle des professionnels de santé face aux dérives sectaires ?

Dans le guide, on donne des conseils pratiques pour les différentes professions, libérales ou hospitalières. Mais il ne s’agit pas de tomber dans la paranoïa sanitaire, et de multiplier les signalements. Si un patient parle à une infirmière d’un thérapeute qui lui conseille de traiter le cancer avec du jus de citron, là il n’y a pas de doute. Si le professionnel considère que la personne est en danger, le secret médical n’a plus de sens. Mais, la bonne démarche, c’est de dialoguer avec le patient, de l’alerter ; puis d’en parler à son chef de service avant de faire un signalement.

Propos recueillis par Aveline Marques


*La Miviludes a recensé plus de 400 pratiques non conventionnelles à visée thérapeutique, tels que « les faux souvenirs induits », au cœur du procès qui s’est ouvert à Paris, et 4000 « psychothérapeutes » autoproclamés qui n’ont suivi aucune formation et ne sont inscrits sur aucun registre.

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