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Après des mois de spéculations autour d’une hypothétique loi sur la fin de vie, c’est finalement le Président de la République, Emmanuel Macron, qui a annoncé qu’un projet de loi serait présenté en avril en Conseil des ministres. Le texte prévoit entre autres la possibilité de demander « une aide à mourir ».
Fin de vie
C’est finalement dans le cadre d’un entretien accordé aux quotidiens “Libération” et “La Croix” que le chef de l’État a annoncé qu’un projet de loi sur la fin de vie serait prochainement présenté en Conseil des ministres. Une façon de montrer que le sujet lui appartient et qu’il a longuement mûri sa réflexion. S’appuyant sur les travaux de la Convention citoyenne et ceux du Comité consultatif national d’éthique, le Président de la République souhaite ouvrir le droit à une « aide à mourir » dans des conditions strictement encadrées : réservée aux personnes majeures capables d’un discernement plein et entier, cet accompagnement s’adresserait à des malades incurables dont le pronostic vital à court et moyen terme est engagé, avec des douleurs physiques ou psychologiques réfractaires. Pour soutenir cette proposition de loi, Emmanuel Macron a rappelé que la loi Claeys-Leonetti, qui avait conduit à beaucoup d’avancées, ne permettait pas de traiter des situations humainement très difficiles, citant par exemple les patients atteints d’un cancer au stade terminal, qui « pour certains sont obligés d’aller à l’étranger pour être accompagnés ».
Accompagner jusqu’au boutPour ceux répondant aux critères d’âge, de discernement, de maladie et de douleurs, la demande pourrait être faite et instruite par une équipe médicale, qui déciderait, collégialement de la suite à donner à la demande. « L’administration de la substance létale est effectuée par la personne elle-même ou, lorsque celle-ci n’est pas en mesure d’y procéder physiquement, à sa demande, soit par une personne volontaire qu’elle désigne lorsqu’aucune contrainte d’ordre technique n’y fait obstacle, soit par le médecin ou l’infirmier qui l’accompagne », a expliqué le chef de l’État, citant le texte du projet de loi. Aux côtés de ces dispositions sur l’accès à une aide à mourir, deux autres volets complèteraient cette future loi : l’un concernant les soins d’accompagnement et l’autre sur le droit des patients et des aidants. Concernant les soins d’accompagnement, Emmanuel Macron a promis qu’avec ce texte et la stratégie décennale qui sera présentée fin mars, les soins palliatifs retrouveraient leur place centrale dans l’accompagnement des patients : « ce qui m’importe c’est que, dès le diagnostic et le début du traitement, la douleur soit prise en charge et l’accompagnement humain intervienne » a-t-il assuré, prévoyant notamment une intervention sur le volet pédiatrique et des dotations sur les 21 départements aujourd’hui encore dépourvus d’unités de soins palliatifs.
RéactionsUne fois l’annonce faite par le chef de l’État, des voix dissonantes n’ont pas tardé à se faire entendre. La Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) a réagi avec « consternation, colère et tristesse », estimant que « c’est avec une grande violence que le chef de l’État annonce un système bien éloigné des besoins des patients et des réalités quotidiennes des soignants ». Rejointe par plusieurs sociétés savantes ou collectifs soignants dont l’Association nationale française des infirmier(e)s en pratiques avancées (ANFIPA) et le Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI), la SFAP estime que la parole des soignants a été ignorée. Rappelant que si mourir dans la dignité est une demande légitime, « c’est précisément la mission des soins palliatifs notoirement sous-dotés, insuffisamment connus et trop peu disponibles » ; pour la SFAP et ses co-signataires « supprimer les malades pour supprimer le problème à moindre coût, voilà ce qu’en somme propose cette annonce ». La question des soins palliatifs, brièvement évoquée par le Président de la République, est souvent mise en avant par les soignants : l’Ordre national infirmier en avait fait une condition dans sa position concernant la fin de vie publiée en décembre 2022, l’Ordre national des médecins le rappelle aujourd’hui, en insistant également sur le respect du Code de déontologie et le choix de la personne intervenant dans la réalisation de l’acte. Quant à l’Association pour le droit de mourir dans la dignité, favorable à la légalisation de l’euthanasie, elle estime que « le texte n’est pas celui qui permettra de répondre le plus parfaitement aux demandes légitimes des personnes en fin de vie […] mais il est assurément une première étape ». Le chef de l’Etat souhaite voir le sujet abordé en Conseil des ministres en avril pour une discussion en première lecture avec les parlementaires début mai.
Anne-Lise Favier