Au cinéma, le cinéaste Sébastien Lifshitz dessine le portrait sublime d'une soignante épuisée sur le point de prendre sa retraite mais à l'énergie communicative. Merveilleux.
La mer, un quartier vide, le bruit des mouettes, Paris et ses rues désertes, la gare Marseille-Saint-Charles, dans la nuit calme et bruyamment silencieuse. En pleine épidémie de Covid, Sylvie Hofmann se rend chez l'ORL. Elle a fait un AVC, elle entend mal. Et si, comme lui suggéra un autre médecin plus tard, son corps lui avait simplement demandé de se couper, un peu, rien qu'un peu, du monde ? Cela fait quarante ans que Sylvie Hofmann, cadre de santé dans un service d'oncologie et de soins palliatifs de l'hôpital Nord de Marseille, consacre son temps entier à soigner les autres. Des patients qui, pour beaucoup, la verront, elle, en dernier, avant de lui confier leur souffle ultime. Les autres, ce sont aussi sa fille, gravement malade enfant, sa mère, qui enchaîne les cancers mais aussi les blagues, son amoureux qui vient de subir un triple pontage. Mais voilà, après ces longues années au service d'un hôpital public qui ne lui a jamais rendu la pareille, Madame Hofmann, pour la première fois, pense à prendre sa retraite. Qu’elle n'est pas la surprise de son chef de service, à l'expérience marquée sur le visage, démuni face à cette requête. Il sait bien qu'il aura du mal à trouver une soignante aussi impliquée et expérimentée. Tous deux ont vécu mille vies dans les couloirs délabrés de cet hôpital marseillais. Madame Hofmann, c'est le portrait sensible, émouvant, drôle, intime, universel d'une soignante engagée et enragée, aussi solide que solidaire, mais surtout d'une femme, d'une mère, d'une fille, d'une compagne, d'une cheffe, d'une amie, d'une « mentor » qui ne se laissera jamais faire.
Un film signé Sébastien Lifshitz, immense documentariste, aussi formidable qu'il est nécessaire.
À voir en salle, vite !
Thomas Laborde