En amont de la 24ème Journée du sommeil organisée par l’Institut national du sommeil et de la vigilance (INSV) le 15 mars, des spécialistes pointent l’interdépendance et la réciprocité entre trois piliers de la santé à savoir, manger, bouger et dormir.
L’enquête (1) sur le sommeil des Français INSV et la Fondation VINCI Autoroutes réalisée par OpinionWay du 7 au 15 décembre 2023 sur un échantillon de 1001 personnes permet de croiser les données entre les habitudes de sommeil, les activités physiques évaluées par le questionnaire ONAPS-PAQ et le rythme des prises alimentaires des Français pour adapter les messages de prévention concernant l’organisation de leurs activités. « Réduire la qualité du sommeil va induire une prise de poids et se lever trop tard va induire le saut du petit déjeuner, souligne Claude Gonfrier, neurobiologiste, directeur de recherches à l’Inserm et président du conseil scientifique de l’INSV et de la Société francophone de chronobiologie. Le sommeil est impliqué dans la régulation de l’activité physique. Un lever tardif entraîne la quantité d’activité physique vers le soir où elle a un impact négatif sur le sommeil. Il est important d’avoir des comportements à la bonne heure avec un sommeil régulier. »
Une dette de sommeil qui s’accentue en semaine et le week-endLes derniers chiffres de l’enquête montrent que la durée moyenne de sommeil des Français est de 6h42 en semaine contre 6h58 en 2023, et de 7h25 le week-end contre 7h40 en 2023. Le délai d’endormissement est de plus en plus long, particulièrement chez les jeunes adultes de 18-24 ans qui mettent en moyenne 53 minutes à s’endormir en semaine contre 37 minutes dans la population générale. La forte utilisation des écrans, notamment le soir avant de s’endormir, est une des causes. « On sait en effet que la lumière bleue des écrans perturbe l’endormissement, c’est pourquoi on recommande de mettre en place un couvre-feu digital d’au moins 1 heure avant le coucher » précise Marc Rey, neurologue et président de l’INSV. Les Français ne compensent pas particulièrement leur manque de sommeil en s’accordant des grasses matinées le week-end. Il faut savoir que le sommeil se construit pendant la journée, et plus particulièrement dès le matin. Ainsi, un sommeil « mal construit » pendant la journée expose au risque de réveils nocturnes. Or trois quarts des Français y sont sujets, deux fois par nuit en moyenne pour une durée totale de 31 minutes.
Maladies chroniques et sommeilParmi les Français interrogés, un tiers (près de la moitié des plus de 50 ans) souffrent d’au moins une maladie chronique (psoriasis, arthrose, asthme, cancer...), et 10 % d’une maladie psychique (dépression, anxiété, addiction, trouble bipolaire, schizophrénie...). Des pathologies qui perturbent leur sommeil. Ainsi, seul un quart des malades chroniques et un cinquième des malades psychiques déclarent bien dormir contre un tiers de la population générale. Davantage sujets aux réveils nocturnes, ils sont plus nombreux à dormir moins de 6h par nuit la semaine (respectivement 38 et 34 % contre 27 % de la population générale ne souffrant d'aucune maladie chronique) et surtout à souffrir de troubles du sommeil (respectivement 67 et 77 %). On peut citer l’insomnie (19 %), les troubles du rythme du sommeil (16 %) et le syndrome d’apnée du sommeil (10 %). À l’échelle de la population générale, 43 % des Français déclarent souffrir d’au moins un trouble du sommeil.
Pratiquer une activité physique et avoir une alimentation équilibréeLes personnes actives ont une meilleure qualité de sommeil. En effet, selon l’enquête, 33% des personnes qui pratiquent une activité physique au moins une fois par semaine estiment avoir une très bonne qualité de sommeil - même excellente pour 7% d’entre elles – contre seulement 25% des personnes moins actives. Plus le niveau de sédentarité est faible, meilleure est la qualité de sommeil. Lors de la présentation de ces résultats, des athlètes de haut niveau sont venus témoigner de l’importance du sommeil dans leur pratique sportive et leurs performances. Et ils sont unanimes « une bonne journée commence avec une bonne nuit de sommeil ». Martine Duclos, chef du service de médecine du sport au CHU de Clermont-Ferrand et présidente de l’Observatoire national de l’activité physique et de la sédentarité (Onaps) alerte sur le fait que « l’activité physique favorise le sommeil car elle réduit le stress, elle est efficace si on a des insomnies ou une maladie chronique. La sédentarité concerne 13 % des Français, c’est quelque chose qui est en train de nous tuer et de favoriser les maladies chroniques. On parle de sédentarité quand on passe entre 8 et 9 heures sans activité. Donc il faut se lever toutes les heures si on est assis dans un bureau, faire bouger ses jambes, marcher, boire, se déplacer pour téléphoner par exemple. Il est important et nécessaire de faire des breaks de sédentarité toutes les heures. » À ce panorama s’ajoute bien sûr la question de l’alimentation, car il y a une interaction entre manger, bouger et dormir. « Le petit-déjeuner est le repas le plus important de la journée, rappelle Damien Davenne, chronobiologiste à l’Unité Inserm Comete à Caen et vice-président du conseil scientifique de l’INVS. Il doit être pris avec une grande régularité. Quand au soir, il ne faut pas d’apports alimentaires pendant les deux heures qui suivent le repas, juste des boissons de type tisanes. Plus on prend les repas tardivement, les calories vont être stockées dans le tissu adipeux, entrainant une prise de poids. » Pour sensibiliser au sujet, une soixantaine de centres du sommeil et structures spécialisées seront mobilisés dans cinquante villes françaises, le vendredi 15 mars 2024, pour la 24ème édition de la Journée du sommeil. Au programme, conférences, webinaires, ateliers de sensibilisation, concours, portes ouvertes, visites de laboratoire. Afin de mieux dormir, bouger et manger.
Isabel Soubelet
https://institut-sommeil-vigilance.org/wp-content/uploads/2020/02/Dias-ConfPresse-INSV-JS-2024.pdf