Le débat sur les salles de consommation à moindre risque s’est invité au congrès de la Société française de lutte contre le Sida, qui se déroulait à Marseille les 25 et 26 octobre. L’occasion de livrer les résultats d'une enquête locale.
Pour sa 13e édition, le congrès de la Société de lutte contre le Sida avait pour thème la co-infection VIH/VHC. Hasard de calendrier, le rendez-vous se tenait à Marseille, les 25 et 26 octobre, en plein débat sur les salles de shoot. En annonçant, le 21 octobre, son souhait de voir lancer, d’ici à la fin de l'année, l’expérimentation de ce type de dispositif, Marisol Touraine, la ministre de la Santé, a rouvert un dossier en stand-by depuis des années. En particulier à Marseille, où un groupe d’experts locaux, mis en place par la mairie, travaille depuis deux ans sur cette question.
Sur les quatre ateliers programmés pour la première journée du colloque, l’un portait sur la réduction des risques. L’occasion pour les experts marseillais de présenter les résultats de leur enquête (consultable ici), notamment un « état des lieux » sur la situation locale et des recommandations pour un cahier des charges relatif à une salle de consommation.
Plus de 5 500 consommateurs
D’après cette étude, « le nombre d’usagers d’opiacés (dont les traitements de substituts aux opiacés) et/ou de cocaïne et autres stimulants et/ou d’hallucinogènes à Marseille s’élève à 5 556 personnes ». Les auteurs de l’enquête relèvent, en outre, une série d’éléments impliquant des situations d’exposition aux risques infectieux et de contamination VIH/VHC très importantes à Marseille : « nombre important d’usagers en grande précarité, prévalence élevée de l’injection, usage de produits caractérisé par des fréquences de prise élevées (sulfates de morphine, cocaïne, amphétamines), présence de jeunes usagers en grande précarité pratiquant l’injection et/ou le free base (1) et partageant plus souvent le petit matériel, présence de populations d’usagers mal informées des modes de contamination et présentant vraisemblablement des prévalences VIH/VHC particulièrement élevées, difficultés dans l’observance des traitements de substitution et/ou des traitements antirétroviraux ». Nul doute, pour les spécialistes, que les salles de consommation peuvent apporter une solution en terme de réduction des risques.
Voix discordantes dans la majorité
« On se heurte à deux problématiques : les rapports avec le monde hospitalier et le budget », relève toutefois le Dr Marie-Laure De Séverac, déléguée en Paca pour le groupe SOS. « La balle est dans le camp de la ministre », soufflait-on jeudi 26 octobre en coulisse… D’autant que, du côté des pouvoirs locaux, plusieurs municipalités se disent d’ores et déjà candidates: Paris, Bordeaux et Marseille. Reste néanmoins un bémol dans la cité phocéenne où, dans les rangs de la majorité UMP, certaines voix se révèlent discordantes. Pas de quoi inquiéter Jean-Marie Le Gall, responsable du secteur innovation et recherche à Aides, qui évoque les dispositifs d’accompagnement et d'éducation aux risques liés à l'injection (Aerli), mis en place par l’ANRS (2). « Cela fait un an que ça existe, rappelle-t-il. Il y en a huit en France et on n’a pas de problème de voisinage ! »
Marjolaine Dihl
(1) Le free-base (autre nom du crack) est un mélange de cocaïne, de bicarbonate de soude et d'ammoniaque, présenté sous forme de petit caillou. Cette transformation de la cocaïne permet de la fumer.
(2) Agence nationale de recherche sur le Sida.