Réunies à Bordeaux, les infirmières de bloc opératoire ont tenu, les 26, 27 et 28 mai, leurs Journées nationales d’étude et de perfectionnement. L’occasion pour Charline Depooter, présidente de l’Unaibode, de faire le point sur leurs revendications.
Ces dernières semaines ont été marquées par la forte mobilisation des infirmiers anesthésistes. On a moins entendu les Ibode. Pourquoi ?
Certainement parce que les infirmiers de bloc sont avant tout organisés sur le mode associatif, par le biais de l’Unaibode… quand la tradition syndicale est plus forte chez les Iade. Association professionnelle, syndicats: les approches sont différentes. Peut-être aussi les Iade se sont-ils particulièrement mobilisés, notamment en réaction au protocole sur la revalorisation des infirmiers de la fonction publique hospitalière du 2 février (lire ici et ici), car ils sont quelque 80% à exercer dans le public, quand les Ibode exercent en plus grande proportion en secteur privé.
Reste que, comme nos collègues Iade, nous réclamons de la part du gouvernement des engagements clairs établissant une reconnaissance réelle de notre spécialité. Dans cette optique, l’urgence pour nous Ibode passe, selon moi, par la définition de nos pratiques avancées et l’obtention du niveau master.
En quoi la définition de pratiques avancées est-elle pour vous si cruciale?
Parce qu’elle serait une reconnaissance claire de notre spécialité… et une assise nous permettant d’obtenir une exclusivité d’actes que nous n’avons pas ! Pour le moment, nous sommes dans la négation de nos compétences spécifiques d’Ibode, du moins dans les textes réglementaires.
Contrairement aux Iade «seuls habilités» à exercer les activités spécifiques d’infirmiers anesthésistes, l’article R4311-11 du Code de la santé publique relatif à l’exercice infirmier au bloc opératoire ne fait en effet mention que d’«exercice prioritaire» pour les Ibode. Plus encore, les actes que nous réalisons quotidiennement au bloc n’y sont pas listés clairement, alors qu’il existe un ensemble d’articles définissant les actes d’IDE. Résultat: installer un patient en position chirurgicale, faire une désinfection cutanée, une suture, préparer, contrôler la robotique… l’exercice professionnel des Ibode est – réglementairement – très souvent illégal ! Et ce même si notre formation spécifique en garantit la qualité, et même si nous agissons avec l’aval et sur prescription des chirurgiens qui, bien souvent, ignorent ces limites réglementaires.
Lors de notre dernière réunion au ministère le 6 mai dernier, ces pratiques avancées ont été explicitement reconnues. Reste à savoir ce que le ministère de la Santé en fera, et quand !
Vous demandez une exclusivité de fonction pour les Ibode, mais il y a aussi des IDE exerçant en chirurgie. Quid?
Bien sûr, nombre d’IDE travaillent au bloc depuis des années et peuvent avoir acquis certaines des compétences exigées pour l’obtention du DE d’Ibode. La validation des acquis – qu’ils réclament depuis longtemps et qui doit se mettre en place en même temps que le nouveau programme d’Ibode – devrait leur permettre d’en faire la preuve et d’obtenir tout ou partie du diplôme, à compléter en école le cas échéant.
Il n’y a donc pas opposition entre exclusivité de fonction et validation des acquis. Nous ne voulons pas délégitimer les IDE exerçant en bloc mais bien définir les actes, activités et missions qui, non définis dans les articles réglementant l’exercice IDE, doivent être confiés en exclusivité aux Ibode, en lien avec leurs compétences spécifiques acquises lors de leur formation.
Vous parlez de formation. A ce sujet, l’obtention d’un niveau master est une autre de vos revendications phares. Comment cela s’annonce-t-il ?
Nous sommes un peu dans l’inconnu. Nous devrions être reçus au ministère de la Santé le 22 juin prochain mais aucun calendrier ne nous a encore été clairement présenté. Et du côté du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche… nous n’avons pas de réponse. Au vu de la formation d’Ibode qui comprend 18 mois d’études, dont 930 heures de cours théoriques et 1365 heures de stage, et est validée par un travail de recherche, revendiquer ce niveau master nous apparaît pourtant comme évident dans le cadre de la réforme en cours des études infirmières sur le modèle LMD.
En la matière, la France est d’ailleurs plus qu’en retard au regard de ses voisins espagnols, portugais… sans même parler des Anglo-Saxons ! Notre nouveau référentiel de formation est prêt. Nous attendons. Niveau master, exclusivité de fonctions, et, logiquement, une revalorisation financière: voilà ce qui nous semble une reconnaissance juste de notre métier.
Propos recueillis par
Emmanuelle Debelleix