Médecine de proximité : une coopération difficile

16/11/2011

Médecine de proximité : une coopération difficile

Annoncée il y a un an par le chef de l’Etat, la réforme de la médecine de proximité se fait toujours attendre. Sur le terrain, la coopération entre professionnels de santé autour du patient souffre encore de nombreux freins.

Réforme de la formation des médecins et des paramédicaux, plan d’informatisation des cabinets médicaux, renforcement de la coopération entre professionnels de santé, développement des maisons et pôles de santé, nouveau schéma de rémunération… Il y a un an tout juste, Elisabeth Hubert, médecin, ancienne ministre de la Santé (1995) et actuelle présidente de la Fnehad (Fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile), présentait au public les grandes lignes du rapport sur la médecine de proximité que lui avait commandé l’Elysée. Dans la foulée, Nicolas Sarkozy en déplacement à Orbec dans le Calvados le 1er décembre 2010, avait annoncé qu’il ferait de 2011 l’année de la réforme de la médecine de proximité, plébiscitant notamment le développement des maisons de santé pluridisciplinaires pour lutter contre les déserts médicaux et améliorer l’accès aux soins. « Face à une crise identitaire, nous devons agir vite » avait-il promis. Un an plus tard, invitée le 4 novembre dernier à s’exprimer lors du colloque annuel du Groupe Pasteur Mutualité, qui avait pour thème « La médecine de proximité. Aidants et professionnels de santé : quelles complémentarités ? Quelles responsabilités ? », Elisabeth Hubert a porté un regard critique sur les progrès réalisés en la matière. Les résultats sont « mitigés », a-t-elle concédé, constatant que si la création des maisons de santé est bien encouragée, les mesures pratiques pour favoriser l’exercice professionnel en équipe sont à la traîne. Nombre de mesures restent encore à prendre pour réellement améliorer la prise en charge des malades à domicile, a souligné la présidente de la Fnehad. Et l’une des premières choses à faire, a-t-elle insisté, serait de mettre le travail interdisciplinaire au cœur des études des professionnels de santé. « Il faut montrer un autre univers aux étudiants en santé », a-t-elle affirmé, arguant qu’aujourd’hui, « à aucun moment on ne les amène à partager un projet. »


Qui fait quoi ?
Autre point clé mis en avant par Elisabeth Hubert : le partage des activités entre professionnels de santé qui, selon elle, doit être mieux pensé, mieux adapté. « Quand on parle d’éducation thérapeutique du patient notamment, du travail de conviction, de suivi, de pédagogie [que cela suppose], je soupçonne qu’il vaut mieux ne pas être médecin pour le faire », a-t-elle ironisé. Un constat repris par le président de la Fédération nationale des maisons et pôles de santé, Pierre de Haas, qui a, lui aussi, dénoncé « un très mauvais usage des professionnels de santé ». « On paie des médecins généralistes pour mesurer des bébés, des infirmières à faire du nursing et des pharmaciens à vendre des boites de médicaments » a-t-il regretté, soulignant combien le manque de coordination des interventions des professionnels, nuit à une prise en charge de qualité au long cours.


Les maisons de santé : quelle pertinence ?

Note positive dans ce panorama pour le moins critique : le récent développement des maisons et pôles de santé. Le ministère de la Santé en comptabilise aujourd’hui 253, a indiqué Pierre de Haas. Mieux, plus d’un millier de projets seraient dans les tuyaux, « poussés par les jeunes » désireux de travailler autrement, en équipe pluridisciplinaire. Ces chiffres réjouissent le président de la Fédération nationale des maisons et pôles de santé, pour qui « travailler ensemble élève le débat, améliore la qualité et renforce la proximité ». Pour autant, a prévenu le conseiller médical du directeur de la Haute autorité de santé (HAS), Jean-Michel Chabot, ces regroupements n’ont d’intérêt que s’ils sont portés par les professionnels eux-mêmes. « Même sous l’impulsion de leurs électeurs », les élus locaux doivent donc avoir « la sagesse de ne pas créer de maisons qui resteraient vides », a-t-il insisté. Sinon, les professionnels de santé risquent de bouder ces projets onéreux.


Sandra Serrepuy

photo: © nyul - Fotolia.com

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