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Elles sont une petite centaine à exercer au sein d’unités médico-judiciaires (UMJ). Les infirmières en médecine légale disposent désormais d’une association dédiée, la Société francophone des infirmières en médecine légale (SFIML), créée courant septembre. Le point avec Vanessa Corvé, infirmière au sein de l’UMJ du CHU de Brest, membre du bureau et chargée de communication.
En quoi consiste la médecine légale ?
Il s’agit d’une médecine de la justice et de l’expertise. Les professionnels de santé exerçant au sein des UMJ prennent en charge à 80 % des personnes vivantes et à 20 % des personnes décédées.
Au quotidien, nous recevons principalement des victimes de violences sexuelles, conjugales, intrafamiliales, d’agressions dans la rue, des victimes d’attaques de chiens, d’accidents de la voie publique. Le panel est assez large. En tant qu’infirmières, nous travaillons avec les médecins légistes à l’élaboration du certificat d’Incapacité totale de travail (ITT) liée aux blessures, c’est-à-dire la période de perte d’autonomie physique subie par la victime. Dans la majeure partie des cas, les patients doivent avoir déposé plainte pour que le médecin réalise une évaluation et remplisse le certificat d’ITT. Ce dernier représente ensuite un élément de l’enquête pour qualifier l’infraction et ce qu’encourt l’auteur des faits.
Les infirmières sont-elles autonomes dans leurs missions ?
Dans certaines situations, nous pouvons proposer une consultation infirmière, avec le patient, avant sa prise en charge par le médecin légiste, afin d’en apprendre davantage sur les antécédents de violences. Notre rôle consiste aussi à orienter les patients vers des associations de juristes, des psychologues. Pour la partie technique, nous effectuons les prélèvements sur les patients et nous assistons le médecin légiste dans l’élaboration du certificat d’ITT, mais lui seul peut le remplir et le signer.
Comment votre rôle pourrait-il évoluer ?
Aujourd’hui, environ 27 médecins légistes sont formés annuellement, ce qui est insuffisant au regard de la charge de travail. Le rôle des infirmières, en complément de celui des médecins, est donc indispensable. À terme, pourquoi ne pas permettre aux infirmières de rédiger le certificat d’ITT pour que les médecins se concentrent sur la thanatologie ? C’est déjà le cas en Suisse et aux Etats-Unis. Cette évolution impliquerait, pour les infirmières françaises, de témoigner lors des procès car notre responsabilité serait engagée. Certaines d’entre nous le souhaitent, d’autres peut-être moins, car il est aussi confortable de travailler sous la responsabilité d’un médecin légiste. Pour autant, nous sommes plusieurs à être dans cette dynamique d’évolution, ce qui impliquerait une formation dédiée, un Master, ou pourquoi pas de la pratique avancée.
Pourquoi avoir créé la Société francophone des infirmières de médecine légale ?
Pour faire connaître la médecine légale et le rôle des infirmières ! Nous exerçons dans une niche. Le but de l’association est donc de nous fédérer car nous sommes chacune isolée dans nos UMJ. Actuellement, le travail de l’association consiste à recenser l’ensemble des infirmières exerçant en médecine légale. Nous sommes déjà une cinquantaine identifiée à échanger sur un groupe dédié. Au sein de l’association, nous voudrions créer un espace de partage des pratiques, des ressources, des textes de loi sur l’aide aux victimes. Nous avons aussi le souhait d’effectuer de la recherche et de la formation dans le cadre de cette spécialité, méconnue par nos collègues des autres services. La médecine médico-légale n’est pas enseignée dans les Instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi). Nous nous formons donc sur le terrain, chacune de notre côté. Aujourd’hui, il existe des Diplômes universitaires et des Master de victimologie. Certaines structures les exigent pour exercer, d’autres non. Nous voudrions tendre vers une cohérence territoriale. Notre objectif est enfin de pouvoir faire évoluer la profession. Nous pensons pouvoir l’amener à davantage d’autonomie dans certains aspects de la discipline.
La SFIML a organisé, fin septembre, son premier colloque. Quel bilan en tirez-vous ?
Nous en sommes très satisfaits. Le Pr Eric Baccino, chef du service de médecine légale du CHU de Montpellier, ancien président de la société mondiale de Médecine Légale, nous a honoré de sa présence.
Nous étions une soixantaine d’infirmiers, cadres, médecins et assistantes sociales à participer à cette journée. Nous avons assisté à des présentations d’initiatives portées par des équipes d’UMJ, échangé sur les pratiques françaises et étrangères. Nous nous sommes aussi interrogés sur l’évolution de la profession.
Propos recueillis par Laure Martin
Pour tout contact : sfimedecine.legale@gmail.com