17/03/2009

Merci, parrains !

Vous mettez en garde les cardiaques contre l’abus de fromages? Préférez une alimentation équilibrée aux joies du McDo ? Déconseillez l’usage du soda aux enfants en surpoids ? Aïe, vous faites donc partie de ces soignants voués à la perte d’aliments essentiels à l’épanouissement de la santé publique (et accessoirement des intérêts privés)… Heureusement, grâce à ses généreux parrains, le Medec va vous remettre dans le droit chemin…

Cette année, le prestigieux Medec(1) s’est évertué à combattre les idées reçues. Car, à en croire certaines sessions parrainées par des industriels désintéressés, certains aliments souffrent depuis trop longtemps d’une injuste stigmatisation.

Prenez le fromage, par exemple. On ne peut ignorer les apports en calcium, mais aussi en phosphates, magnésium et zinc, liés à cet aliment… Mais pourquoi insister constamment sur sa supposée teneur en matière grasse ? Elle est selon Guillaume Charpentier, diabétologue à l’hôpital Sud-Francilien de Corbeil (91) et modérateur de la conférence intitulée « rapprocher conseils diététiques et habitudes alimentaires des Français », très exagérée. Pour preuve, une étude sur le camembert présentée par le Pr Jean-Louis Schlienger (service de médecine interne et nutritions, hôpital Hautepierre, Strasbourg) où il est prouvé que « deux portions de camembert de 30 gr chacune n’ont pas d’effet sur le profil lipidique »… On aurait aimé connaître le résultat pour des fromages de type gruyère ou Comté, par exemple… Mais soit…

Et la méfiance des cardiologues à l’égard d’un aliment riche en sel ? Là encore, les participants s’élèvent contre un tel ostracisme. Certes, concède Guillaume Charpentier, le fromage « contient du sel, mais le pain aussi et pourtant, on en mange »… Imparable sophisme… D’ailleurs, affirme le Dr Pierre Sabouret, cardiologue attaché à l’Institut du cœur (La Pitié-Salpêtrière), tout en convenant que sa position est marginale chez les cardiologues, « les idées reçues sont complètement infirmées par les études ». Ainsi, en France, pays gros consommateur de fromage, la mortalité cardio-vasculaire est beaucoup moins élevée que dans d’autres pays comme la Russie, faible consommateur de fromage. L’argument laisse pantois. Car on ne dit rien de la consommation associée (charcuterie, alcool, tabac pour ne citer qu’eux) dans ces deux pays !

Le Pr Schlienger espère que les participants sortiront de la salle « avec une notion moins pénalisante du fromage »… Le Pr Charpentier le rassure : « nous avons vu dans quelle erreur nous étions ». En effet, rien n’est venu troubler la belle unanimité autour du noble aliment. L’Institut Fromages et santé, qui « parrainait » les débats, peut être fier de ses filleuls…

Pendant ce temps, se tient dans une salle voisine une conférence inspirée par la volonté de dédramatiser l’usage des sodas… Pas de regret, j’ai assisté à ladite session (déjà parrainée par Coca-Cola France !) en septembre dernier, aux Entretiens de Bichat(2). Et il me tarde d’entendre la conférence consacrée « à la place et aux responsabilités du fast-food dans l’alimentation des enfants ».

Là encore, les deux conférenciers sont animés d’une évidente volonté de réhabilitation… Avec la restauration rapide de type McDo, le défi semble hors de portée. C’est mal connaître l’enthousiasme des deux conférenciers. En préambule, Alain Bocquet, pédiatre à Besançon et ancien président de l’Association française de pédiatrie ambulatoire, loue les vertus du poisson (« bien préparé plutôt qu’un cube frit »), vante la variété des saveurs, prône le rejet des assaisonnements systématiques (mayonnaise, ketchup…). Il stigmatise même « les lobbys qui nous gênent beaucoup, avec un matraquage ».

Très vite cependant, la caution scientifique de la conférence se déclare « surpris de voir à quel point la restauration rapide est diabolisée ». En effet, la « proposition de fruits, salade et légumes dans les fast-foods est intéressante » et « plus tendance que la même proposition par la mère ou la grand-mère ». Le Dr Bocquet, certainement traumatisé dans une enfance lointaine par une acariâtre grand-mère, s’acharne sur ces pauvres femmes, qualifiées de « plus nocives que McDonald’s »…
Schizophrénie ? Volonté de tapisser le terrain de son successeur à la tribune ?

En tout cas, Éric Gravier, vice-président de McDonald’s France en charge des relations extérieures, n’a pas besoin de (trop) en rajouter. Certes, il regrette que « les bâtonnets de carotte [aient] eu du mal à décoller » chez McDo. Mais il se félicite d’être avant tout « le restaurant préféré des enfants » et n’a pas « honte du Big Mac, par rapport à la quiche ou la pizza » (comme on le sait, des modèles d’équilibre nutritionnel)… Tout sourire, M. Bocquet en rajoute une pincée : la nocivité du « petit goûter à l’école [est] bien pire [que celle du] McDo ». Ainsi s’achève la session parrainée par… McDonald’s France.

Émoustillé par ces mises en bouche, je regrette de ne pouvoir assister à d’autres sessions tout aussi croustillantes : les « vérités en nutrition », taillées par le Centre d’information des charcutiers-produits traiteurs, le « suivi diététique des patients hypercholestérolémiques », assaisonné par Fruit d’or pro-activ, ou les « conseils nutritionnels pratiques chez le patient hyperlestérolémique et chez le patient diabétique », mitonnés par Lu France.
Hélas, je n’ai vraiment plus faim…

ALAIN TRONCHOT

1- Medec 2009, du 11 au 13 mars, Palais des congrès, porte Maillot, Paris.
2- Cf. L’Infirmière magazine n° 242, octobre 2008, p. 5 et p. 17.

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