iStock-
Une enquête menée par Odoxa pour la MNH, présentée début novembre, a dressé un tableau relativement sombre de la santé des soignants, avec notamment des lacunes en matière de prévention en général, et de dépistage du cancer du sein en particulier.
Enquête après enquête, les chiffres concernant la santé des soignants se succèdent et se ressemblent. L’enquête « État de santé des soignants et des personnels hospitaliers », menée par Odoxa pour le compte de la Mutuelle nationale des hospitaliers (MNH) et dévoilée le 6 novembre ne fait pas exception : elle dépeint des blouses blanches déclarant davantage de maladies que leurs concitoyens, souffrant davantage de troubles du sommeil, s’alimentant moins bien, etc.(1). Pour triste qu’elle soit, cette situation n’est pas nouvelle. Ce qu’il l’est un peu plus, ce sont les chiffres que cette enquête met en évidence concernant le dépistage du cancer du sein.
Car le sondage, réalisé au mois d’octobre auprès d’un échantillon de 1450 professionnels de santé d’une part, et de 1005 personnes représentatives de la population française d’autre part, met en évidence des différences marquées entre ces deux échantillons. 46 % des soignantes interrogées n’avaient ainsi jamais pratiqué de dépistage du cancer du sein, contre 33 % des Françaises. Et si l’on se concentre sur la tranche d’âge la plus concernée, celle des femmes de 50 à 64 ans, l’écart reste sensible : 56 % des blouses blanches déclaraient avoir effectué un dépistage au cours des 12 derniers mois, contre 62 % dans la population générale. Seule consolation, mais elle est maigre : les soignantes pratiquent davantage l’autopalpation mammaire (63 % au cours des 12 derniers mois) que les autres Françaises (50 % au cours des 12 derniers mois).
D’UN CÔTÉ DE LA MALADIE… OU DE L’AUTRE
Ces chiffres ne surprennent pas outre-mesure le Dr Emmanuel Ricard, directeur de la prévention et de la promotion du dépistage à la Ligue contre le cancer. Celui-ci voit au moins deux explications au sous-dépistage des professionnelles de santé. « Quand on choisit de porter une blouse, on fait le choix d’être d’un côté de la maladie plutôt que de l’autre, il y a une sorte de mise à distance de la maladie, même si on la côtoie tous les jours, avance-t-il. D’autre part, et c’est quelque chose qu’on voit dans le reste de l’étude, les soignants n’ont avec les conditions actuelles pas de temps pour eux. »
Il faut par ailleurs bien réaliser que le constat mis en évidence pour le dépistage du cancer du sein pourrait être extrapolé à d’autres problématiques de santé. Telle est du moins la position de Catherine Cornibert, directrice générale de l’association Soins aux professionnels de santé (SPS), spécialisée dans la santé des soignants « Il y aurait bien d’autres explorations à faire, car les professionnels de santé ont davantage de stress, et ont donc moins l’habitude de prendre soin d’eux-mêmes de manière globale », estime-t-elle. La responsable associative pointe notamment les maladies chroniques, et rappelle que « beaucoup de soignants n’ont même pas de médecin traitant. »
FAVORISER L’ACCOMPAGNEMENT PSYCHOLOGIQUE
Reste à savoir, partant de ce constat, ce qui pourrait être fait pour inciter les soignants à mieux participer aux activités de dépistage. « Dans la population générale, l’un des principaux freins au dépistage est la question de l’accessibilité, qui devrait être moindre pour les soignants, qui ont en général un accès facilité et qui connaissent mieux les circuits, estime Emmanuel Ricard. En revanche, il y a beaucoup à faire pour favoriser l’accompagnement psychologique de façon à diminuer le stress ». Il s’agit donc selon lui en grande partie d’une « question organisationnelle » : les soignants « doivent se sentir épaulés. »
« Il est par ailleurs important d’agir sur la prévention de manière générale », ajoute Catherine Cornibert. Celle-ci imagine par exemple « que les bilans de prévention aux âges clés de la vie, désormais proposés à l’ensemble de la population, pourraient être rendus obligatoires pour les soignants. Mais je pense qu’il est surtout important d’oser en parler… et de ne pas se limiter à la question du cancer du sein », rappelle-t-elle.
Adrien Renaud
(1) L’enquête Odoxa met en avant de nombreux facteurs défavorables à la santé des soignants, comparée à celle du reste de la population. Ils sont ainsi par exemple 76 % à estimer avoir « souvent » un volume de travail trop important (contre 51 %), 61 % à déclarer avoir des difficultés à dormir au moins une fois par semaine (contre 48 %), ou encore 89 % à déclarer consommer des produits alimentaires gras, sucrés ou salés (contre 78 %).