25/11/2009

Mouvement infirmier, lecture personnelle

Anne Perraut Soliveres, aux Tribunes de la santé de Sciences Po, est revenue sur l'histoire du mouvement infirmier. L'occasion de rappeler quelques raisons de se battre pour la profession aujourd’hui.

Infirmière et chercheuse en sciences de l'éducation, Anne Perraut Soliveres ne mâche pas ses mots. Après quarante-quatre ans d’exercice, la profession lui inspire autant d’amour que de haine. « Je suis autant déçue qu’optimiste, selon les moments. Cette profession, de par son nombre, aurait pu être, et devrait être, très forte. Elle ne l’est pourtant pas. »

Pour expliquer le désenchantement de la profession, il faut se pencher sur sa crise d’identité. Aucune avancée n’a pu être constructive, estime Anne Perraut Soliveres, car la question du « mal-être » de la profession n’a jamais été réglée. Pour expliquer ce mal-être, il faut remonter un peu dans l’histoire.

« Soumission et formatage »

À la fin des années 1960, le fil rouge de l’enseignement des études infirmières était une posture de soumission constante. « Il y a bien eu le développement d’une pensée infirmière sur l’humain dans les années 1970, mais elle s’est arrêtée dans les années 1980 », regrette-t-elle.

Ce n’est pas le contenu des études infirmières, déjà dense, qui est pointé du doigt, « c’est le formatage qui existe encore aujourd’hui. Les infirmières savent ce qu’elle font, mais elles ne trouvent toujours pas les mots pour l’argumenter. Nous avons un savoir que nous ne savons pas mettre en mots. » Cela explique peut-être pourquoi les infirmières ont du mal à prendre la parole, politiquement parlant.

« Encore aujourd’hui, il existe un paternalisme, une commisération, que nous connaissions déjà il y a plus de vingt ans. La Coordination [animatrice du mouvement de 1988] a été victime de ce paternalisme. Il n’y avait personne pour écouter notre ras-le-bol, à nous les infirmières. Et puis on ne savait pas comment le dire. » Car il ne suffit pas d’être sûr de son bon droit, poursuit-elle, pour qu’un mouvement politique aboutisse.

Quête de reconnaissance
Les infirmières voulaient être reconnues à leur juste valeur. « Mais pourquoi, et de qui, attendaient-elles cette reconnaissance ? Nous sommes une profession qui s’autodénigre. » C’est ce manque de confiance en elles-mêmes qui a été le plus grand frein à une réelle évolution de la profession...

À force de clamer leur professionnalisme au travers de leur polyvalence, les infirmières se sont encore plus enfermées dans une posture où « il n’y a plus de place pour l’improvisation ou pour la créativité dans les soins. Le métier s’est enfermé dans une longue suite de protocoles. Et ce ne sont pas les protocoles qui vont développer le sens critique, la prise de recul dans le métier comme en dehors. »

Malgré tout, Anne Perraut Soliveres croit à un retournement de la situation qui passera par un refus individuel d’obtempérer, lorsque le patient n’est plus le centre des soins et des enjeux de l’hôpital. « L’ensemble de ces refus individuels deviendra un refus collectif. Il faut accepter de prendre le risque de protester pour que les choses changent. »

Carole Ivaldi

• Cette conférence a eu lieu dans le cadre des Tribunes de la santé, qui se déroulent, chaque mois, de 19h15 à 21h00, à Sciences Po (27, rue St-Guillaume, 75007 Paris).

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