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Alors que la PMA a été adoptée en troisième lecture à l’Assemblée nationale début juin, le débat sur la GPA n’avance pas. Interdite en France et ailleurs, elle est aussi tolérée dans certains pays, comme en Belgique. La réalisatrice Cathie Dambel a passé un an dans un service de PMA, à Bruxelles, qui permet à des couples d’accéder à la GPA.
Qu’est-ce qui vous a donné envie de traiter un tel sujet ?
Je participais à un séminaire d’éthique clinique. Ce sont toujours des questions qui touchent les débuts et fins de vie que l’on aborde. Sont apparues pour moi des images nouvelles, des embryons congelés qui attendent dans des frigos une hypothétique vie virtuelle. Autour de la grossesse pour autrui, je trouve que le débat est très clivé. Et je ne m’y retrouve pas. Il fallait que j’explore la situation et que j’en donne une image qui permette aux spectateurs, aux citoyens, à l’ensemble de la société de réfléchir à ce qui peut se mettre en place.
Pourquoi avoir choisi ce service de procréation médicalement assistée bruxellois ?
En France, la gestation pour autrui (GPA) est interdite. Ma première idée a été d’aller voir ce qu’il se passe aux États-Unis, aux portes de l’Europe. Puis, je me suis dit que je vivais en Europe, que c’était là ma réalité. Comment on y pense la question ? Ce n’est pas légalisé en Belgique non plus, mais c’est toléré.
Et, pour éviter tout commerce, la GPA doit se faire avec quelqu’un de proche…
Mais quelle proximité ? Qu’est-ce que c’est cette proximité, comment elle s’est créée ? Il n’y a pas d’argent mais il peut y avoir une relation d’emprise. Il faut comprendre quelle est l’histoire. Les professionnels de ce service échangent pendant des mois avant de décider ou non d’accompagner un couple. Vingt-six, vingt-sept enfants en vingt ans, ce n’est pas du tout une usine à bébés ! Ils sont une dizaine et regardent chaque fois la situation sous plusieurs angles. Ils écoutent toujours à quatre oreilles - expression belge.
Une équipe pluridisciplinaire…
Gynécologues, obstétriciens, psychologues, biologistes, infirmières… Ces dernières sont très proches du vécu des femmes, elles ont des choses à dire. Et elles sont écoutées. Elles sont intégrées au même titre que les autres dans la réflexion. C’est très beau ce fonctionnement. J’étais passionnée par l’émergence de cette parole, de cette intelligence collective.
Que penser de l’état du débat en France ?
On a ouvert sur la PMA en diabolisant la GPA. L’interdit fait le jeu du marché. Je comprends les réticences. Mais continuer à interdire, c’est comme la prohibition, ça permet le développement des mafias, c’est un marché d’une très grande violence. Je pense toujours que ça peut être périlleux, dangereux, si on n’établit pas un cadre dans lequel la mère porteuse est sujet de son choix, sujet de droit, aussi. J’espère que ce film aide à penser la chose. Cette équipe en Belgique, c’est un modèle d’intelligence et de réponse à cette situation.
Propos recueillis par Thomas Laborde
GPA ET HUMANITÉ
Naître d’une autre, le documentaire sur les mères porteuses
Porter un enfant pour quelqu’un d’autre. Être une génitrice, pas une mère. La gestation pour autrui est toujours interdite en France. Mais elle est tolérée en Belgique, où la mère porteuse doit être une proche du couple. Quatre hôpitaux du pays la pratiquent, dont le service de procréation médicalement assistée du CHU Saint-Pierre, à Bruxelles, qui rend possible la GPA pour des couples depuis vingt ans. Avec le documentaire Naître d’une autre, la réalisatrice Cathie Dambel s’est immergée pendant un an dans cette équipe pour tâcher de comprendre ce long processus et poser les questions éthiques soulevées. Quel degré de proximité, dans une situation si délicate, est le bon ? Quelle est l’histoire du couple qui veut avoir un enfant ? Comment les trois personnes vont-elles arpenter ce chemin ? Quelles seront les conséquences ? Quelle est la place de chacun ? C’est à ces questions, parmi tant d’autres, que tentent de répondre, ensemble, pendant plusieurs mois, gynécologues, psychologues, infirmières, biologistes avant d’accepter d’accompagner un couple. L’équipe, dans son fonctionnement en tout point collégial et dans son appréhension des parcours personnels, fait preuve d’une humanité rare. À travers trois histoires, la réalisatrice décrypte tout en finesse, avec beaucoup d’humilité et de sensibilité, un sujet de société difficile. Puissant et salvateur.
Naître d’une autre, Cathie Dambel, sur www.arte.tv à partir du 30 juin, et en diffusion sur Arte le 7 juillet en première partie de soirée.