Un an après son arrivée au gouvernement et dans la foulée du lundi de Pentecôte travaillé, la secrétaire d'Etat aux Aînés, invitée par l’Association des journalistes de l'information sociale, a fait le point sur quelques-uns de ses nombreux dossiers.
Ce qui agace la secrétaire d’Etat, et elle ne s’en cache pas, c’est bien cette polémique autour des 150 millions d’euros issus de la Journée de solidarité qui n’auraient pas été utilisés pour les personnes âgées. «Entendre, comme ça a été le cas ces derniers jours, que de l’argent est détourné par l’Etat, c’est inacceptable. On aurait pris de l’argent aux personnes âgées? On ose venir nous dire que les 150 millions retournés à l’Assurance maladie, ce n’était pas de l’Assurance maladie ? » Et d’expliquer qu’il s’agit «uniquement» d’excédents budgétaires non consommés issus de la contribution de l’Assurance maladie (environ 8 milliards par an) au budget de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA).
A l’issue de l’exercice budgétaire, il lui apparaît donc «normal que cet argent retourne à l’Assurance maladie. Ici, on parle bien d’excédents car dans notre secteur, on a assisté à la plus forte progression d’Ondam (1), à 9%. Peu de secteurs peuvent en dire autant.» Quant à savoir si ce versement des excédents de la CNSA à l’Assurance maladie pourrait devenir pérenne… «De l’argent retourne vers l’Assurance maladie parce qu’il y a des excédents. Mais notre stratégie est de tout faire pour que les budgets soient dépensés dans l’année d’exercice.»
Pas de fonds pour l’aide à domicile
A la suggestion de L'Infirmiere liberale magazine de consacrer une part des recettes du jour férié travaillé pour venir en aide aux services d’aide à domicile (actuellement en grande difficulté financière), la secrétaire d’Etat réagit au quart de tour. «Précisément, les 2,21 milliards que rapporte cette Journée de solidarité aident AUSSI à soutenir le secteur du service à domicile. On sait que cette somme est répartie à 60% pour les personnes âgées, 40% aux handicapés. Eh bien, du côté des personnes âgées, 440 millions concourent à l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). Et le reste peut servir à signer des conventions pour soutenir les services à domicile en les aidant à se professionnaliser et professionnaliser le personnel.» Nora Berra est catégorique: «La création d’un fonds de soutien, tel qu’il est réclamé par les associations, n’est pas possible. Il y a en effet sur le terrain une multiplicité d’organismes qui dispensent des services. En privilégier un, ce serait créer une concurrence déloyale. Nous sommes tenus par la réglementation.»
La secrétaire d’Etat a rappelé que les recettes «Journée de solidarité» permettent aussi de mener des missions d’expertise. Deux d’entre elles s’intéressent de près aux services d’aide à domicile: la Direction générale de cohésion sociale (DGCS) met ainsi en place un «observatoire des coûts», tandis que la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) étudie la qualité des prestations. Initialement attendus pour fin juin, leurs résultats devraient finalement être remis d'ici septembre. «Nous devons trouver un modèle économique qui puisse se tenir», a-t-elle rappelé. Les personnes âgées qui souhaitent vivre le plus longtemps sous leur toit ne sont pas oubliées: Nora Berra présentera le 17 juin (avec le lancement d’un site Web) les premières préconisations issues de sa mission «Vivre chez soi» lancée en février.
258 établissements non conformes
Ces différentes missions sont menées en parallèle des promesses faites en octobre 2009 pour tenter d’éradiquer la maltraitance. Aux révélations concernant la structure d’hébergement pour personnes âgées de Bayonne mise en cause à l'automne dernier (cf. L'Infirmière libérale magazine n°253, 255 et 259), Nora Berra avait notamment demandé que soient recensées les structures non agréées. En menaçant de fermeture toutes les petites unités de vie qui ne se seraient pas mise en conformité d’ici au 31 mars... «Nous en avons finalement recensé 258 non conformes, sur un total de 1000. On affine actuellement notre analyse: certaines se sont mises en conformité, certaines sont sur le point de le faire et d’autres pas du tout.» Toutefois, pas de révélation fracassante avant le 4 juin, date que la secrétaire d’Etat a choisie pour communiquer «précisément sur celles qui seront amenée à fermer».
Interrogée à propos du projet de loi sur la maltraitance annoncé fin février en conseil des ministres, Nora Berra s’est contentée de préciser que ce texte englobera les résultats des évaluations des établissements médico-sociaux. Non fixé au calendrier pour le moment, ce projet de loi intègrera la question du «baluchonnage», un système «pratiqué en Belgique et au Canada» qui permet à un intervenant à domicile d’accompagner sur plusieurs jours un aîné pendant l’absence de l'aidant familial.
Outils de bientraitance
Nora Berra a également tenu à signaler que l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (Anesm) constituait en ce moment un groupe de travail pour «élaborer un guide de bientraitance et un outil d’évaluation des établissements, facile d’utilisation, qui à terme sera rendu public».
Beaucoup de chantiers ouverts, donc. Concernant la création de la formation des assistants de soin en gérontologie (2) une avancée concrète: «Les aides-soignantes qui souhaitent en bénéficier peuvent déjà la suivre. Une prime de 90 euros par mois a été définie et des sessions ont déjà commencé.» Et, pour «que la place des aidants familiaux au sens large soit reconnue», elle a d’ores et déjà fixé une date pour la première Journée nationale des aidants. Ce sera le 6 octobre, pendant la «Semaine bleue» consacrée aux retraités et personnes âgées. «Reconductible, je l’espère bien», a-t-elle souligné.
Candice Moors
Photo: DICOM-DEACG/Jean-Philippe Somme
1- Objectif national de dépenses d'assurance maladie.
2- Mesure n°20 du plan Alzheimer 2008-2011.