De passage au Touquet fin juin pour participer aux journées nationales d’étude des puéricultrices, le Pr Pierre Verret, de la Faculté des sciences infirmières de Laval, évoque pour Espaceinfirmier.com le rôle des infirmières en cancérologie pédiatrique au Québec et rappelle les progrès accomplis depuis trente ans.
Qui sont les infirmières qui exercent en oncologie pédiatrique au Québec?
Il y a quatre cas de figure:
L’infirmière spécialisée en oncologie administre la chimiothérapie. Elle joue un rôle clé dans le soutien et l’éducation des patients et des proches.
L’infirmière pivot agit comme un "guichet unique". Elle évalue puis répond aux besoins de l’enfant, de sa famille et coordonne les soins.
L’infirmière clinicienne en oncologie soutient les autres infirmières et assure le leadership dans le développement de la pratique infirmière en oncologie.
L’infirmière praticienne spécialisée dispense, sans la supervision d’un médecin, des soins médicaux de première ligne. Habilitée à exercer des activités avancées, elle peut notamment prescrire des examens (imagerie médicale, etc.), des traitements, des médicaments, utiliser des techniques diagnostiques invasives ou présentant des risques de préjudices. En cas de problèmes de santé complexes non diagnostiqués ou instables, elle dirige le malade vers un médecin qui pose le diagnostic et initie le traitement.
Quelle est la formation de ces infirmières ?
Au Québec, il y a différents niveaux de spécialisation. Il s’agit le plus souvent d’une formation de 1er ou 2ème cycle universitaire, assortie d’une expérience minimale de deux ans en oncologie. Les infirmières praticiennes spécialisées comptent en outre une année de formation médicale dans la spécialité choisie.
On sait l’importance d’un suivi au long cours en cancérologie. Comment se déroule-t-il au Québec ?
Du diagnostic à la surveillance des risques de récidives et d’apparition de séquelles, l’oncologue pédiatrique assure un suivi pour une période minimale de cinq ans. Au-delà, le suivi n’est plus obligatoire, mais fortement recommandé. Il peut se faire en centre spécialisé, ce qui présente plusieurs avantages : bonne continuité des soins, meilleure éducation thérapeutique du patient, opportunités de recherche médicale. Le suivi dans les réseaux communautaires (médecins de ville, services sociaux, etc.) a, lui, le mérite d’accroître l’autonomie du patient, qui doit cependant se montrer plus vigilant pour une bonne continuité des soins. Dans le cas du modèle mixte, il y a un contact permanent entre les équipes des centres spécialisés et les professionnels de santé des services communautaires.
Avez-vous des chiffres sur la survivance à long terme des patients ?
Aujourd’hui, nous sauvons 83% des enfants atteints d’un cancer, selon les statistiques canadiennes. Il y a trente ans, c’était moins de 20% ! Ce résultat tient de la modernisation des chirurgies et de l’amélioration des protocoles, de la greffe de moelle osseuse pour certaines pathologies ainsi que d’une nouvelle génération d’antibiotiques, grâce auxquels on peut désormais diminuer fortement les infections liées à la chimiothérapie. Malgré cela, 70% des enfants conservent des séquelles plus ou moins graves (problèmes cardiaques, néphrologiques, neurologiques, etc.).
Vous avez évoqué la recherche. Quelles pistes vers une meilleure survie et la diminution des séquelles ?
Les oncologues tentent d’utiliser des thérapies ciblées sur les cellules cancéreuses, sans trop affecter les autres cellules. Les effets secondaires liés à la chimiothérapie seront alors moindres, voire absents. La thérapie ciblée est aussi moins toxique. On peut donc l’administrer sur une plus longue période. Il y a encore la piste de l’immunothérapie qui vise à stimuler les défenses naturelles de l’organisme, afin que celui-ci lutte contre la tumeur et la détruise. Les médicaments à l’étude (interféron, interleukine, anticorps monoclonaux) sont à l’heure actuelle utilisés en association avec des traitements classiques. La recherche entrevoit d’autres approches d’immunothérapie anti-tumorales permettant d’envisager la création de vaccins efficaces contre le cancer.
Propos recueillis par Rémi Vaugeois
Photo : Rémi Vaugeois