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Depuis le 15 septembre, les soignants doivent respecter l’obligation vaccinale pour pouvoir exercer, sous peine de sanction et de suspension. Quelques jours après cette officialisation, la mise en œuvre dans les services semble se dérouler sans grande accroche.
Le ministre de la Santé, Olivier Véran, l’a annoncé sur RTL le 16 septembre : quelque 3 000 suspensions de membres non vaccinés du personnel soignant des établissements de santé et médico-sociaux ont eu lieu depuis l’entrée en vigueur, la veille, de l’obligation vaccinale. Ces suspensions seraient selon lui, pour un grand nombre « que temporaires », et concerneraient « essentiellement du personnel des services supports », « très peu de blouses blanches ». « Ce sont essentiellement les non-soignants qui sont concernés, notamment les personnels administratifs, techniques et les ouvriers, confirme Thierry Amouroux, porte-parole du Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI). Aujourd’hui, il y a peu de cas d’infirmières qui refusent la vaccination de manière totale. » En témoigne le directeur du CHU de Pointe-à-Pitre (Guadeloupe) qui a affirmé à l’AFP ne pas pouvoir appliquer la loi, sous peine de pénaliser l’activité de l’établissement. Selon lui, 74,19 % du personnel non médical n’a pas encore entamé de parcours vaccinal.
Un fonctionnement variable des servicesSur le terrain, les remontées concernant les suspensions sont encore floues. « Nous attendons les chiffres officiels de la part de la direction, fait savoir Nathalie Depoire, présidente locale de Coordination nationale infirmière (CNI) au sein de l’hôpital Nord Franche-Comté (Territoire de Belfort). Le chiffre évolue constamment entre les personnels qui rapportent des certificats ou ceux qui s’étaient engagés sur un rendez-vous de vaccination et qui l’ont finalement annulé. » S’il est difficile d’obtenir un état des lieux précis, 98 % du personnel hospitalier serait vacciné. De son côté, l’Assistance publique-hôpitaux de Marseille (AP-HM) affiche un taux de vaccination à 93 %. « Lorsque l’obligation de nous faire vacciner a été annoncée, nous étions déjà proche des 80 % de personnes vaccinées », se félicite Éric Audouy, secrétaire général adjoint de la CNI à l’AP-HM. Dans un communiqué de presse, l’AP-HM a précisé que si le taux avait progressé de 60 % à 93 %, c’était en raison de la mise en œuvre « d’un accompagnement », de « pédagogie », d’un « renforcement des lignes de vaccination et des systèmes de remontées d’information facilités ».
Tenir compte de la fatigueDans les services, les conséquences de cette obligation vaccinale varient selon les établissements. Du côté de l’AP-HM, peu de difficultés ont été signalées en termes d’organisation de l’offre de soins. « Nous n’avons pas eu de remontées de services ne pouvant pas fonctionner en raison de l’application de l’obligation vaccinale », rapporte Éric Audouy, précisant toutefois que l’absentéisme s’est aggravé en raison de l’épuisement des soignants lié aux conditions de travail. Du côté de l’hôpital Nord Franche-Comté, « certes, seul un petit pourcentage de soignants est suspendu, mais nous sommes dans une telle tension, que même quelques personnes en moins dans les services compliquent leur gestion », souligne Nathalie Depoire. Et de poursuivre : « Nous constatons que les personnes qui ne souhaitent pas se faire vacciner sont celles qui se sont retrouvées en difficulté pendant la première vague en raison du manque de protections et qui ont eu peur. Elles sont aujourd’hui en détresse psychologique et, selon nous, il faudrait leur proposer un accompagnement et non une suspension de salaire. » L’infirmière comprend que les directions doivent appliquer la loi mais en attendant « de gros progrès restent à faire sur la prise en compte de la souffrance psychologique des soignants », estime-t-elle. Sans parler des propos violents entendus dans les services entre les pro et les anti-vaccins. « La crise a malmené les personnels et l’ambiance s’est dégradée, pointe-t-elle du doigt. On a perdu la notion de tolérance et des valeurs importantes pour des soignants, ce qui interroge. C’est pour moi révélateur d’une grande fatigue. »
La mise en œuvre de sanctionsLes professionnels de santé devaient, au 15 septembre, avoir reçu au moins une dose de vaccin contre la Covid ou présenter un certificat de rétablissement ou de contre-indication à la vaccination pour pouvoir travailler. Pour ceux qui n’auraient pas encore répondu positivement à cette obligation et qui se verraient suspendus, dès lors qu’ils attesteront d’une preuve de vaccination, ils pourront normalement réintégrer leur poste. Les premiers signalements aux Ordres auront lieu à partir du 15 octobre. Pour tous les professionnels suspendus, l’Ordre infirmier informe déjà qu’il procédera à un rappel des obligations légales et déontologiques sur les enjeux de la vaccination. Selon les dispositions ministérielles, il aura la possibilité d’engager une procédure disciplinaire ordinale vis-à-vis des professionnels de santé concernés. Et pour ceux qui continueraient d’exercer malgré leur suspension, l’Ordre pourra être saisi et s’associer à une procédure pénale pour exercice illégal.
Laure Martin