Dans un courrier adressé à la secrétaire générale de la CGT santé et action sociale, la ministre de la Santé annonce son intention d’« engager rapidement des modifications législatives » sur l’obligation d’adhérer aux ordres. Réactions.
La période estivale n’est décidemment pas propice à l’ordre infirmier. Alors que l’été dernier, l’ONI avait frôlé le dépôt de bilan, c’est un bras de fer avec le ministère qui vient, cette fois, de s’engager. En cause : un courrier de Marisol Touraine, adressé, le 6 juillet, à la secrétaire générale de la CGT santé et action sociale, Nathalie Gamiochipi. La ministre de la Santé annonce son intention d’« engager rapidement des modifications législatives sur l’obligation d’adhérer aux ordres professionnels ». « Je suis consciente des difficultés rencontrées par certains professionnels opposés aux règles édictées lors de la création de cet ordre (ndrl : infirmier) », écrit-elle. L’éventuelle suppresion de l’obligation d’adhésion a été évoquée à plusieurs reprises par François Hollande, lors de la campagne, et par Marisol Touraine depuis sa prise de fonction. Mais, la ministre n’avait jamais paru aussi catégorique.
Les anti-ordre exultent…
Une « officialisation » qui réjouit les anti-ordre. Dans un communiqué, lundi 16 juillet, l’intersyndicale CFDT, CFTC, CGT, FO, SNICS-FSU, SUD et UNSA santé sociaux appelle la ministre à « mettre le plus rapidement possible à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale » la suppression de l’obligation d’adhérer à l’ONI, mais aussi à l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes et des pédicures podologues, et à « faire cesser toute pression et menaces de poursuites » sur les réfractaires. « Il faudra aussi rapatrier les missions confiées à cet ordre au sein du HCCP (NDLR : Haut conseil des professions paramédicales) et de la formation continue des professionnels de santé », insiste l’intersyndicale.
Dans un communiqué daté de mardi, le Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil) fait, quant à lui, part de son « inquiétude » et « s’étonne qu’une telle décision soit prise sans plus de concertation avec les professionnels concernés, mais aussi avec les associations de patients et d’usagers ».
… l’ONI s’indigne
Côté ONI, c’est l’indignation. Didier Borniche, président du conseil national de l’ordre, a écrit, mardi, à la ministre pour manifester sa « totale désapprobation ». « Il n’est pas acceptable qu’un sujet aussi sensible que l’avenir des ordres, et en particulier de l’ordre des infirmiers, soit scellé dans une lettre adressée à un syndicat, en plein cœur de l’été, lance-t-il. Ce courrier prouve qu’avant toute concertation et avant même de disposer d’un bilan objectif sur les missions et les actions réalisées par l’ordre, vous décision semble avoir été prise unilatéralement. » Une prise de position gouvernementale qui surprend d’autant plus l’ONI qu’elle semble aller à contre-courant de la rencontre organisée, lundi 2 juillet, au ministère. Didier Borniche et plusieurs membres du bureau national de l’ordre avaient été reçus par les conseillers de Marisol Touraine. « Il n’a jamais été question d’une modification de la loi », rappelle le président. Les représentants de l’ONI étaient, au contraire, sortis rassurés sur « les intentions de la ministre, qui ne sont pas de remettre en cause l’existence des ordres ». Pourquoi un tel revirement, en quatre jours, de la part de Marisol Touraine ? Interrogé jeudi 19 juillet par l’APM sur les ordres concernés, le ministère a précisé que seuls les ordres paramédicaux nouvellement créés -infirmiers, pédicures-podologues et masseurs-kinésithérapeutes- seraient concernés. Le calendrier n'est pas encore connu. Lors d'une rencontre avec l'USAP CGT, jeudi 19 juillet, la ministre aurait évoqué la sortie d'une circulaire « pour l'automne », rapporte le syndicat dans un communiqué daté du 20 juillet.
Rappelant que l’ordre a réussi « à stabiliser son fonctionnement et à équilibrer ses finances », Didier Borniche juge cette polémique « inutile et désastreuse » et réclame d’être reçu afin d’« engager un travail sérieux et impartial de concertation ». « Vous n’avez toujours pas personnellement reçu le président de l’ordre des infirmiers, qui compte pourtant 117 000 membres. Et cela, alors même que l’ont été des présidents de syndicats qui ne parviennent pas à atteindre un millier d’adhérents », assène-t-il.
Aveline Marques
Mise à jour le 23/07.