ONI : précaire et fragile

01/02/2012

ONI : précaire et fragile

Mutique depuis plusieurs mois, l’ordre infirmier a rompu le silence. S’il annonce une augmentation des inscriptions, sa situation financière demeure très précaire et fragilise l’exercice de ses missions. D’autant que huit infirmières sur dix n’ont toujours pas rejoint ses rangs.

« Depuis avril 2011, le nombre d’inscriptions à l’ordre a augmenté de 20 % » , s’est félicité Didier Borniche, président de l’ordre infirmier, lors d’une conférence de presse tenue au siège de l’ordre, le 26 janvier dernier, en présence de plusieurs membres du conseil national. L’événement était une première pour celui qui a pris les rênes de l’ordre l’été dernier, en rappelant qu’à cette époque, l’ordre était « dans un état proche de la fin de vie. » La veille, l’Oni avait enregistré sa 110 752ème inscription au tableau (54 356 chez les salariées du public et du privé, 53 038 chez les libérales, et 3 358 non précisées), et passé le cap des 90 000 cotisantes, atteignant ainsi un taux de règlement global de 84 %. Un pourcentage qui avoisine 53 % chez les IDEL, mais chute à moins de 45 % chez les salariées. Bref, en moyenne, une infirmière sur deux inscrite à l’ordre n’a pas encore réglé sa note. Cependant, dans le cadre de son plan de restructuration, 90 000 cotisantes suffisent, pour l’instant, à maintenir à flot le bateau ordinal, et à lui permettre de rembourser sa dette de 11 millions d’euros, désormais convertie en crédit sur sept ans. Selon nos informations, 40 à 60 % du montant des cotisations devrait ainsi servir à combler le passif de l’Oni - un pourcentage que ne confirme cependant pas l’ordre.
Dans ce contexte, Didier Borniche, qui se définit comme « un homme qui connaît le terrain », « proche des professionnelles et de leurs préoccupations », espère que les infirmières adhèrent et cotisent davantage, et plus vite. Dans cette optique, a d’ailleurs été annoncée l’ouverture prochaine de l’inscription en ligne, via le site de l’ordre, « pour simplifier et accélérer les modalités d’adhésion ». L’inscription et la cotisation sont obligatoires et conformes à la loi, a rappelé à plusieurs reprises le président. « Nous allons poursuivre nos relances auprès de celles qui ne sont pas à jour de leur cotisation, et entreprendre des démarches envers les employeurs de celles qui ne sont pas encore inscrites », a-t-il insisté.

Gestion parcimonieuse
Côté économies, le président a confirmé la suppression de 114 équivalents temps pleins sur 156 dans les rangs de l’ordre infirmier. Cette mesure touche essentiellement les assistantes, et devrait prendre effet avant l’été. « Un ordre ne vit que grâce aux cotisations qu’il perçoit. Si nous avions recouvré celles initialement prévues, nous n’aurions pas été amenés à licencier autant de personnel » a-t-il déclaré à l’adresse des infirmières. Un brin culpabilisant, Didier Borniche a cependant ajouté que « ce constat n’obérait pas les responsabilités dans la gouvernance de l’ordre. » Selon nos sources, des assistantes auraient reçu hier une proposition de nouveau contrat de travail à temps partiel de 30 heures par semaine, pour assurer la gestion administrative d’un conseil régional de l’ordre infirmier et des conseils départementaux qui y sont rattachés. Autant dire qu’un certain nombre d’entre elles font déjà grise mine, car leur charge de travail va, naturellement, augmenter, alors que leur revenu va mécaniquement diminuer. Par ailleurs, d’ici au printemps, les cent conseils départementaux devront être fermés. Le conseil national lui-même devrait déménager pour des « locaux moins spacieux et moins coûteux ». Au quotidien, la vie des ordres départementaux et régionaux va donc être spartiate. Dans une note interne diffusée le 20 janvier dernier (1), Jean-Yves Garnier, trésorier de l’instance, recommande d’ailleurs aux élus une gestion parcimonieuse des deniers. « L’achat de timbres doit être réduit au minimum », peut-on par exemple lire en page 2. Plus étonnant, le trésorier indique que « les élus de conseils doivent être à jour de leur cotisation. […] Nous ne pouvons pas réclamer à nos collègues le versement de celle-ci sans l’avoir nous-mêmes versée. » Fort de ces coupes drastiques dans son budget, l’ordre annonce un retour à l’équilibre de ses comptes au printemps prochain. « Cet ordre a à fédérer les quelque 500 000 infirmières du pays. Sans doute était-il illusoire [à sa création] de penser que nous allions y parvenir en quelques mois. Nous avons aujourd’hui mesuré l’ampleur de la difficulté », a expliqué Didier Borniche. Le conseil national s’est donc donné sept ans pour inscrire la moitié des infirmières (soit quelque 250 000 professionnelles). « Nous allons, a poursuivi le président, continuer notre travail de persuasion et d’information auprès des infirmières, car l’ordre est au service de toute la profession. »

Dialogue de sourds
Didier Borniche a également indiqué qu’il souhaitait renouer le dialogue avec « les partenaires syndicaux ». Mais les modalités restent floues. Et la tentative incertaine. Ceux qui sont contre l’ordre ne devraient pas venir de sitôt s’asseoir autour de la table puisque, comme le très actif Résilience, ils réclament son abrogation pure et simple. Et ceux qui étaient pour l’ordre, et continuent de l’être sur le fond, ne le sont plus sur la forme. Rappelons que Convergence infirmière, la Fédération nationale des infirmières, et l’Organisation nationale des syndicats d’infirmiers libéraux « appellent à une résistance collective et massive des libéraux par le boycott de toute cotisation ordinale réclamée de façon discriminatoire. »  Mais, dans ce dernier cas, il ne s’agit, pour Didier Borniche, « que de règlements de comptes personnels ». Et l’ordre entend dorénavant répondre coup pour coup. Il a ainsi assigné devant le tribunal de grande instance de Paris, Résilience et son secrétaire général, pour injures publiques. L’audience se déroulera le 20 mars prochain. D’ores et déjà, la résistance anti-ordre s’organise, Résilience et Sud Santé Sociaux appellent à une journée de mobilisation nationale le 20 mars contre les ordres paramédicaux. Et l’intersyndicale anti-ordre (2) qui se réunit aujourd’hui devrait faire part de sa position d’ici peu. Quoi qu’il en soit de ces luttes politiques, avec si peu de moyens, l’ordre est réduit à peau de chagrin et l’on voit mal comment, en dépit de sa bonne volonté, il va pouvoir s’imposer dans le paysage sanitaire pour faire entendre la voix de la profession…

Françoise Vlaemÿnck

1 - Lettre d’information n°53
2 - L'intersyndicale nationale anti-ordre fédère la CFDT Santé Sociaux, la CGT Santé Action Sociale, la CFTC Santé Sociaux, FO Santé Sociaux, le SNICS FSU, Sud Santé Sociaux et l'Unsa Santé Sociaux.



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