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Gouvernance des ARS, place des usagers, évolution des professions de santé, etc. : plusieurs pistes pour imaginer les soins de demain ont été envisagées par les différents intervenants d’un colloque organisé le 20 janvier par l’Oni et l’Institut Droit et Santé. Olivier Véran y a annoncé la réouverture prochaine du chantier du décret-socle IDE.
Le jeudi 20 janvier, l’Ordre national des infirmiers (Oni) organisait un colloque en partenariat avec l’Institut Droit et Santé sur cette vaste question : « Comment construire un système de santé plus proche, plus efficient et plus durable ? » « Notre système de santé est le meilleur du monde, mais il est à bout de souffle, a constaté Patrick Chamboredon, le président de l’Oni, en introduction. La crise sanitaire a révélé les attentes des patients, mais aussi des professionnels de santé. » L’avenir du système de soins devrait donc logiquement faire partie des sujets importants de la campagne électorale qui démarre. « Il n’y a pas de désert infirmier sur le territoire, a-t-il encore souligné. Il est donc tout à fait pertinent que notre profession s’impose dans le débat public sur les questions de santé. » Un débat dont ce colloque a dessiné quelques contours.
Plus de poids aux collectivitésL’adaptation aux besoins du terrain apparaît comme l’un des enjeux majeurs des prochaines années. À cet égard, les collectivités territoriales souhaitent peser davantage dans la gouvernance sanitaire, faisant valoir le rôle qu’elles jouent déjà. « Nous aimerions que les ARS soient régies par des conseils d’administration, coprésidés par les présidents de région », a suggéré Christophe Bouillon, le président de l’Association des petites villes de France (APVF). Laurent Chambaud, directeur de l’École des hautes études en santé publique (EHESP) de Rennes, considère que les collectivités pourraient se voir reconnaître une compétence en santé publique, qui correspondrait aux actions engagées. « Les régions ont différents leviers pour agir sur les questions de santé, au-delà du financement des formations paramédicales. Nous pouvons conditionner les aides économiques aux entreprises à des critères environnementaux, aménager le territoire pour qu’il soit favorable à la santé environnementale, etc. », a confirmé Françoise Jeanson, vice-présidente de la région Nouvelle-Aquitaine. Pour Yves Doutriaux, conseiller d’État, la centralisation de l’organisation et du financement des soins est garante de l’égalité entre les citoyens. « Les dispositifs territoriaux sont nombreux, et pendant la crise, cette articulation a plutôt bien fonctionné », estime-t-il.
Accès direct pour les IPAPour faire face au manque de médecins, le développement des IPA s’impose comme une solution intéressante. « Les associations de patients ont de premiers témoignages de patients chroniques qui déménagent en raison d’une trop grande difficulté d’accès aux soins, y compris à un médecin traitant », s’est alarmé Alexis Vervialle, chargé de mission chez France Assos Santé. « La fin du numerus clausus mettra plusieurs années avant d’avoir des effets concrets et de toute façon, on ne pourra pas pousser les murs des universités pour doubler les promotions d’étudiants », a remarqué Sereine Mauborgne, députée LREM du Var. « Il faudrait que les IPA puissent faire de la primoprescription et consulter en accès direct », a souhaité Christophe Bouillon. Sa proposition semble faire consensus parmi les participants. Stéphane Brissy, maître de conférences en droit et coauteur du code de déontologie des infirmiers, a insisté sur la nécessité de supprimer la notion « d’auxiliaire médical » pour ouvrir le champ des compétences des IPA.
Les jeunes souhaitent en finir avec le corporatisme« Pendant la crise du Covid, la solidarité entre les professionnels de santé a donné lieu à un décloisonnement entre les établissements et entre la ville et l’hôpital, mais il n’y a pas eu de véritable retour sur expérience structuré, qui nous permettrait d’en tirer les enseignements », a regretté Laurent Chambaud. Alexis Vervialle aimerait également qu’un retour sur expérience soit organisé, afin de comprendre pourquoi les représentants des usagers ont été écartés lors de la première vague, et de réfléchir aux moyens de renforcer leur place dans la démocratie sanitaire.
Olivier Véran va démarrer le chantier du décret de compétences infirmièresOlivier Véran, le ministre de la Santé, est intervenu en fin d’après-midi, notamment sur le décret de compétences infirmières. « On va enfin s’atteler à ouvrir ce fameux chantier », a-t-il déclaré reconnaissant qu’il avait « pris du retard ». « On va démarrer dans les toutes prochaines semaines », estimant être « encore capable de faire bouger beaucoup de choses » d’ici à l’élection présidentielle. Et il s’agira d’aborder le sujet « sans a priori, en regardant en profondeur les évolutions souhaitables pour améliorer l’accès aux soins et la complémentarité entre les professions de santé. J’irai regarder au-delà des corporatismes », a affirmé le ministre qui a dit encore avoir « envie de confier encore plus de responsabilités » aux infirmières sans « enlever quoi que ce soit à qui que ce soit » comme « pourquoi pas, prescrire certains médicaments ».
Sur un autre sujet, il a annoncé vouloir renforcer l’Europe de la santé, dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne (au premier semestre 2022), en favorisant les mobilités et la reconnaissance des diplômes.
En conclusion de la journée, les futurs soignants ont pris la parole. Gaëtan Casanova, président de l’Intersyndicale nationale des internes (Isni), a exprimé le souhait de ses pairs « d’en finir avec la confusion entre grade et fonction, ainsi qu’avec la logique corporatiste ». Un propos qui a fait écho à celui de Mathilde Padilla, présidente de la Fnesi. « Il faut que l’on apprenne à mieux se connaître entre nous, avec des enseignements en commun, pour que l’on puisse mieux se compléter ensuite dans l’exercice de nos métiers. » Ces aspirations seront-elles audibles lors de la campagne et des réformes à venir ?
Lisette Gries
ET AUSSI…
L’APPROCHE ONE HEALTH S’INVITE AU COLLOQUE DE L’ONIDepuis le début des années 2000, le concept « One Health » ou « une seule santé » est mis en avant. Il repose sur la prise de conscience de l’interdépendance entre les santés humaine, animale et environnementale à l’échelle locale, nationale et mondiale. Cette manière d’aborder la santé avec une approche pluridisciplinaire et globale des enjeux sanitaires est particulièrement adaptée dans le contexte mondial actuel de la pandémie. Elle permet de raisonner sur l’ensemble du système et de trouver des solutions qui répondent à la fois à des enjeux de santé et des enjeux environnementaux. Dans l’avenir, elle pourrait permettre en partie de prévenir les prochaines pandémies. Car au-delà d’une vision théorique, cette approche concerne la conception et la mise en œuvre de programmes, de politiques, de législations et de travaux de recherche pour lesquels plusieurs secteurs communiquent et collaborent en vue d’améliorer les résultats en matière de santé publique. Un grand pas qui implique des changements de pratiques pour tous les professionnels comme l’a rappelé Jacques Guérin, président de l’Ordre national des vétérinaires et vice-président du Comité de liaison des institutions ordinales (Clio) en précisant que « One Health, ce n’est pas One Human Health ! Il faut tenir compte de la santé humaine, de la santé animale et de la santé des plantes et de toutes les interactions avec la biodiversité. Par exemple, nous devons tout faire pour détecter le plus tôt possible les maladies zooniques en coopérant. Un foyer d’Ebola peut arriver en France. Il faut maintenant apprendre à décloisonner, à parler de la santé de l’écosystème et même du socioécosystème. Dans les équipes pluridisciplinaires de recherche, cela fonctionne très bien mais il faut faire tomber les barrières sur le terrain. Avec la pandémie actuelle, il n’a pas du tout été simple d’avoir un vétérinaire au sein du comité scientifique. »
Isabel Soubelet