Dans un communiqué, Convergence infirmière, la Fédération nationale des infirmières, et l’Organisation nationale des syndicats d’infirmiers libéraux, « appellent à une résistance collective et massive des libéraux par le boycott de toute cotisation ordinale réclamée de façon discriminatoire. » Un nouveau coup dur pour l’ordre qui comptait beaucoup sur eux pour se renflouer. Entretien avec Philippe Tisserand, président de la FNI.
Espaceinfirmier : Vous vous êtes beaucoup investi dans la naissance de l’ordre, pourtant cet été vous avez démissionné de votre mandat d’élu national, et aujourd’hui vous appelez les infirmières libérales à ne pas cotiser. Le divorce est consommé ?
Philippe Tisserand : Tel qu’il existe aujourd’hui, l’ordre ne représente plus la profession infirmière, d’ailleurs il ne représente plus rien. C’est une coquille vide, une instance bureaucratique qui ne sert à rien. L’ordre ne travaille sur rien, ne produit rien, n’a d’avis sur rien. Dernièrement encore, alors que le développement professionnel continu était présenté au Haut conseil de la santé publique, Didier Borniche, le président de l’ONI, qui était présent, n’a pas ouvert la bouche, et l’ordre n’a produit aucune contribution ! Autre exemple, depuis cet été, l’ordre est totalement absent des discussions concernant les projets de protocoles de coopération entre professionnels de santé, un sujet qui intéresse particulièrement les libéraux. Bref, la seule occupation des dirigeants actuels est de faire rentrer de l’argent dans les caisses, sur la base d’un plan de restructuration, qui n’a pas été présenté aux élus, et pour lequel ils ont accepté de sacrifier toutes les missions de l’ordre. Tout ça n’a plus de sens.
Quel est l’état d’esprit des infirmières libérales aujourd’hui vis-à-vis de l’ordre ?
Elles y ont adhéré sur la base d’un ordre tel qu’il est défini pas la loi. A savoir : une infirmière égale une voix, et un montant de cotisation unique pour toutes. Aujourd’hui, les libéraux se sentent victimes d’une forme de discrimination, et toute la pression est sur eux car on voudrait leur faire porter le chapeau de l’échec de l’ordre s’ils ne cotisent pas - alors que, dans le même temps, rien n’est fait pour que les salariés cotisent également. Depuis plusieurs jours, nous sommes très sollicités par des collègues qui enragent parce qu’elles avaient fait un choix et qu’elles n’y croient plus, et qu’elle ne veulent plus être considérées comme des vaches à lait. Nous sommes aussi quotidiennement contacté par des élus départementaux et régionaux qui ne savent plus quoi faire et se demandent s’ils doivent rester ou démissionner, tandis que d’autres sont déjà partis. L’image de l’ordre est ternie aux yeux des infirmiers qui s’y étaient engagés, et, pour certains d’entre eux, beaucoup investis.
Existe-t-il un risque pour les libéraux qui ne cotiseront pas ou plus à l’ordre ?
Il est difficile d’imaginer que les CPAM prennent le risque de lancer un mouvement de déconventionnement des infirmières libérales. S’il y a eu des initiatives ici ou là, elles sont restées très marginales. On ne peut pas, en effet, priver les malades de soins parce que personne n’est capable de gérer la crise de l’ordre.
L’abrogation de l’ordre, que réclame les « contre-ordistes » depuis son installation, est-elle une solution ?
Cette question n’a pas été abordée à la FNI. Mais, à titre personnel, je pense que cette solution n’est pas à écarter. En cas d’alternance politique, à l’issue de la prochaine élection présidentielle, cette option pourrait d’ailleurs être mise en œuvre par le nouveau gouvernement. Le principe de réalité veut qu’on ne peut pas faire vivre une instance autonome financée par les professionnelles, dès lors qu’elle ne fonctionne pas, et que les professionnelles concernées n’y adhèrent pas ! La messe est dite.
Propos recueillis par Françoise Vlaemÿnck.