Au vu d'une situation financière catastrophique, le ministère de la Santé pose un ultimatum à l'Ordre national des infirmiers: diviser immédiatement la cotisation ordinale par plus de deux ou disparaître. Réponse à la fin du mois.
Alors que l’Ordre national des infirmiers (Oni) travaille actuellement à l’élaboration de son troisième budget annuel, pour l’exercice mai 2011-avril 2012, son déficit cumulé atteint plus de cinq millions d’euros, apprend-on dans un courrier de sa présidente Dominique Le Bœuf, adressé le 3 mars au ministre du Travail, de l’Emploi et de la Santé Xavier Bertrand, et envoyé ce vendredi à l’ensemble des élus ordinaux.
Ce courrier circonstancié, que www.espaceinfirmier.com s’est procuré, a pour objet d’informer le ministre et les conseillers ordinaux du contenu de la réunion qui s’est tenue le 1er mars au ministère de la Santé, où Mme Le Bœuf et Myriam Petit, secrétaire générale du Conseil national de l’ordre infirmier (CNOI) et présidente du conseil départemental de l’ordre des Hauts-de-Seine ont été reçues par la directrice et le directeur-adjoint du cabinet de Xavier Betrand, le directeur de cabinet de la secrétaire d’Etat à la Santé Nora Berra et le conseiller ministériel pour l’hôpital, l’offre de soins et les relations sociales.
Encaissements en baisse
Lors de cette rencontre, sollicitée par la présidente de l’Oni, « il n’a été question que des finances de l’Ordre », déplore Dominique Le Bœuf : « Nous n’avons pas pu aborder les actions que notre institution a réalisées en deux ans d’existence pour la santé publique, les infirmières et les infirmiers, en application de la loi qui lui a donné vie. »
La situation financière de l’Ordre est, de fait, critique. « Les ressources de l’Ordre, en fonction du nombre des infirmiers devant être inscrits à son tableau, devaient, à l’origine, s’élever à 38,5 millions d’euros » (1), rappelle Mme Le Bœuf. Or, dans les faits le montant recouvré pour les deux premiers exercices budgétaires a été près de dix fois inférieur, avec même une tendance à la baisse puisque ce montant « est estimé à 4,05 millions d’euros pour l’exercice en cours » contre 4,64 millions d’euros pour 2009-2010.
"Obstruction et désinformation"
La présidente de l’Oni, attribuant ce gigantesque manque à gagner aux « campagnes d’obstruction et de désinformation persistante, confortées par diverses déclarations officielles », justifie néanmoins les sommes engagées par l’Oni pendant ces deux premiers exercices: respectivement 5,05 et 11,6 millions d’euros. Convaincus que « la vérité, le droit et le bon sens finiraient par l’emporter », écrit-elle, « nous avons donc commencé à bâtir une organisation strictement minimale » pour être en mesure de « remplir nos propres devoirs légaux ». Pari perdu. Les infirmiers et infirmières s’étant très majoritairement abstenues de payer une cotisation jugée trop élevée, le déficit n’a cessé de se creuser pour atteindre aujourd’hui quelque 5,2 millions d’euros. Pire, il « s’alourdit en moyenne de 600 000 euros par mois », indique la présidente de l’Oni. D’où le refus de la banque de renouveler son prêt (2) « à une institution, même chargée d’un service public de sécurité sanitaire, dont l’Etat encourage le boycott et qu’il conduit ainsi inéluctablement à l’asphyxie », dénonce Mme Le Bœuf, qui admet qu’est désormais en jeu « la survie à très court terme » de l’Oni.
"Fonctionnement allégé"
Pour sortir de cette impasse, s’il en est encore temps, le ministère semble avoir posé un ultimatum à la jeune instance ordinale : ou se conformer à « un montant de cotisation considéré comme acceptable par le gouvernement » ou subir la cessation de paiements et disparaître. De quoi faire réfléchir les 52 conseillers nationaux qui voteront le montant de la cotisation pour l’année 2011-2012, lors de la prochaine réunion plénière du CNOI, le 29 mars. La consigne ministérielle est claire : 30 euros maximum, à partir desquels l’Ordre doit établir un budget pour « un modèle de fonctionnement allégé », regrette Mme Le Bœuf, quitte à devoir supprimer pour cela un niveau, le département.
Selon la présidente de l’Oni, le ministère aurait signifié aux deux représentantes ordinales que « l’Ordre des infirmiers aurait dû se construire bien plus lentement » et il leur demande maintenant de définir lui-même les missions auxquelles il renoncera pour survivre dans ce nouveau cadre imposé... à supposer que le CNOI se conforme à cette exigence lors de son vote du 29 mars. Mais a-t-il le choix désormais ?
La modélisation budgétaire à partir d’une cotisation à 30 euros devra être soumise à la banque et au ministère « dans moins d’un mois », faute de quoi ce dernier « laissera l’Ordre des infirmiers aller jusqu’à la cessation de paiements ».
Cécile Almendros
1 – Sur la base d’une cotisation ordinale annuelle de 75 euros pour le cas général, telle que votée par le CNOI.
2 - Pour se lancer, l’instance avait ouvert début 2009 une ligne de crédit auprès de la Bred-Banque populaire.