Elaboré dans le plus grand secret, le plan de restructuration que l'Oni s'apprête enfin à adopter alimente les craintes des élus et salariés de l’Ordre qui ne l’ont pas encore déserté. Avec une question en filigrane : le remède ne va-t-il pas de tuer le malade ?
Le plan de restructuration de l’Ordre national des infirmiers, dont l’instance annonçait, en date du 6 juin sur son site Internet, l’adoption dans ses « grands principes » lors du conseil national du 31 mai, puis le 28 juin « dans sa version détaillée », alimente tous les fantasmes. Et pour cause. Outre qu’il a été long à ficeler, il apparaît clairement comme la contrepartie de l’ultime sursis accordé par à l’Oni par sa banque. Au point que le syndicat Résilience, notoirement anti-ordres, dénonce la mainmise de la Banque populaire-Caisses d’épargne sur l’Oni qui, fragilisé par un déficit plusieurs millions d'euros, ne serait plus en mesure de présider à ses propres destinées.
« Les conseillers ordinaux de base commencent sérieusement à se plaindre d’être maintenus dans l’ignorance» du contenu de ce qui s’annonce comme un « business plan des plus affûtés », rapporte Résilience. Plusieurs présidents de conseils départementaux et régionaux de l’Ordre infirmier ont de fait démissionné de leur fonction pour pointer la situation inextricable dans laquelle ils se trouvaient. Après avoir frôlé la cessation de paiement, l’Oni revendiquait au 30 août 101 525 inscrits, mais seulement 64 926 à jour dans leur cotisation, rappelle-t-on.
Les Idel pris en otage?
A en croire la Fédération nationale des infirmiers (FNI), la dernière version du plan de restructuration « fait porter près de 90 % du financement aux infirmières libérales, qui ne représentent elles-mêmes que 15 % des effectifs », s’offusque le syndicat d’infirmiers libéraux. Une information démentie par le président du Conseil régional de l’Ordre infirmier de Bourgogne. « En aucun cas ce plan n’indique que la charge budgétaire reposera uniquement sur les infirmiers libéraux », a assuré Hervé Genelot Chelebourg à Espaceinfirmier.com. Et de poursuivre : « Je ne connais pas le plan dans les détails, mais il est convenu que la charge financière s’appuiera sur le recouvrement des cotisations par les infirmiers aussi bien salariés que libéraux inscrits au tableau de l’Ordre. »
Une exigence inscrite dans la loi et qui a toujours été au cœur du projet ordinal, qu’il s’agisse des infirmiers ou des autres professions dotées d’un ordre professionnel, malgré la préférence ministérielle réitérée cet été en faveur d’un Ordre, dont la cotisation serait facultative pour les salariés. Vent debout, les syndicats d’infirmiers libéraux se mobilisent depuis quelques semaines afin d’éviter la rupture d’égalité entre les libéraux et les salariés. Pour la FNI, « miser aujourd’hui sur la totale adhésion des libéraux à ce simulacre d’ordre professionnel est hautement périlleux ». Le syndicat ne voit pas l’intérêt pour les libéraux d’adhérer à un « Ordre 2 », qui se verrait «privé de ses moyens d’actions et amputé de ses principales missions », « réduit à une simple chambre administrative d’inscription au tableau ». Il dénonce « une prise en otage visant à les [infirmiers libéraux] faire apparaître au final comme responsables de cet échec ». La FNI annonce d’ailleurs qu’elle « n’hésitera pas à adresser un courrier personnel à chacun de ces 75 000 professionnels conventionnés pour appeler à la désobéissance, et les inciter à ne plus payer leur cotisation, ceci au nom de l’égalité de tous les infirmiers devant la loi, comme l’a fait en son temps Roselyne Bachelot en ayant couvert de son autorité le refus massif des salariés de s’acquitter de leur cotisation ».
Même son de cloche du côté du Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil). Cet été déjà, le Sniil dénonçait qu’il soit envisagé de n’’imposer le paiement de la cotisation à l’Ordre qu’aux seuls infirmiers libéraux. Le syndicat a rappelé dans une lettre envoyée à Nicolas Sarkozy, que cette cotisation est actuellement une « obligation légale annuelle pour chaque infirmier inscrit au tableau », selon l’article L4312-7 du Code de la Santé publique. Prochain épisode le 13 septembre…
Laure Martin