« Ça va madame ? » Tout en poursuivant, avec une curette, la détersion de la plaie, Andrée-Alice Allain s’enquiert de la douleur de sa patiente. Le soin est retransmis en direct dans une salle voisine, un amphithéâtre du CHU rennais de Pontchaillou, devant 150 autres infirmières.
L’atelier, organisé le 21 avril par l’Association plaies et cicatrisations (APCI) d’Ille-et-Vilaine, porte sur le pansement et la douleur. La patiente, souffrant d’un ulcère mixte et d’un œdème de revascularisation, a décalé une séance de dialyse pour se prêter au « jeu », anonymement.
Sur le grand écran, on aperçoit la soignante procéder à l’ablation d’une partie d’un tendon, « non-fonctionnel » et qui, « surexposé au-dessus de la plaie, va en empêcher la fermeture quand il y aura des bourgeons ». Le chirurgien Antoine Lucas demande au public de formuler une proposition thérapeutique en fonction des caractéristiques de la plaie, fibrineuse, atone, très exsudative. « Il faut un pansement absorbant : l’hydrofibre, argumente Andrée-Alice Allain. C’est trop tôt pour un pansement hydrocellulaire, adapté à une plaie rouge, tonique, bourgeonnante, sans exsudat important. »
C’est trop tôt également pour un second patient qui présente, en dessous du genou, une plaie d’amputation. Odorante, celle-ci coule irrégulièrement et se surinfecte régulièrement depuis juin 2008. Malgré les anesthésiques locaux, le patient souffre. « A cause de la douleur, la détersion peut être mal faite et la cicatrisation difficile », commente Andrée-Alice Allain, qui décide de nettoyer la plaie au Jetox®, un procédé utilisant l'oxygène et le sérum physiologique pressurisé. Ce traitement, « aussi efficace qu’une détersion mécanique et sans douleur, utile pour les plaie larges avec des douleurs difficiles à calmer », a toutefois des inconvénients – « les infirmières de ville ne l’ont pas, il faut une prise à oxygène ».
« Une mémoire de la douleur »
Aléa du direct… et de la cicatrisation : les bénévoles de l’association s’attendaient à « des plaies à un stade plus bourgeonnant, afin de mettre en place un autre dispositif que l’hydrofibre ». Cela ne les empêche pas de prodiguer des conseils généraux contre la douleur, du choix du pansement à la sélection, présentée par deux médecins anesthésistes, du ou des antalgiques. Dont une technique – en développement – de cathéter périnerveux.
Les douleurs liées au pansement se manifestent tant au moment de l’ablation qu’en dehors des soins. Et à différents stades, y compris celui du bourgeonnement. « Il faut écouter la douleur du patient, même si on pense qu’il ne souffre pas ou qu’il ne devrait pas avoir mal. S’il vous dit qu’il a mal, croyez-le. Il existe des moyens pour évaluer sa douleur. Si vous ne leur posez pas la question, certains patients ne vous diront pas qu’ils ont mal. » Andrée-Alice Allain décrit aussi « une mémoire de la douleur ».
« Les infirmières libérales sont souvent démunies face à la douleur », poursuit Catherine Verdier, de l’APCI 35. L’association, organisme de formation, entend donc diffuser le « raisonnement clinique » propre au pansement. Les exposés de la soirée – proposée avec l’aide financière d’un laboratoire, le prêt d’une salle par le CHU et l’assistance technique d’une société – devraient être mis en ligne sur www.apci35.org.
Prochain rendez-vous le mardi 5 mai, à 20 h 30, pour des films préenregistrés et des questions en direct depuis la clinique Pasteur à Toulouse, dans dix-neuf villes en France. Dernier projet de l’APCI 35, une rencontre à Saint-Malo les 19 et 20 septembre, pour le Grand Ouest.
Mathieu Hautemulle