Un récent colloque mettait en regard le vieillissement de la population et d'inquiétants problèmes de démographie médicale. Sachant que chez les infirmières, les données sur la profession sont encore très floues...
Depuis plusieurs années, les professionnels de santé alertent régulièrement les pouvoirs publics sur le danger lié à la chute des effectifs soignants. « Aujourd’hui, ce thème est devenu d’une brûlante actualité
»
, constate le Dr Bruno Godeau, président du Groupe Pasteur Mutualité (GPM).
Alors que le vieillissement de la population accentue ces problèmes de démographie médicale, le GPM a invité, début décembre, l’ensemble des ordres médicaux et paramédicaux à un colloque pour faire le point. «
Il y a à peine vingt ans, la Cnam
(1), les médias et les experts affirmaient qu’il y avait pléthore de médecins et qu’il était nécessaire d’en reconvertir 20
000 au moins,
se souvient le Dr
Godeau.
A présent, nous sommes confrontés à la crainte d’une pénurie, notamment chez les médecins généralistes libéraux.»
Travailler moins pour vivre mieux
Principales raisons qui fondent ce constat
: le manque d’anticipation sur les nouvelles aspirations des praticiens et le
numerus clausus. Ainsi, les professions médicales se féminisent, dans deux décennies trois médecins sur cinq seront des femmes. Or, ces dernières optent davantage pour le temps partiel et l’emploi salarié. Et depuis 2003, seulement 5
000 nouveaux médecins sont formés chaque année, alors qu’il en faudrait au moins 7
000.
Pour le Dr
Patrick Romestaing, président de la section santé publique et démographie médicale à l’ordre des médecins, la féminisation n’est pas seule en cause.
«
C’est un problème de génération. Hommes ou femmes, les étudiants et jeunes médecins ne veulent plus travailler 60 à 70
heures par semaine comme leurs aînés. Ils souhaitent un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée.
»
Pour la première fois, l’année 2008 a enregistré une baisse de 2% du nombre de médecins en activité, et une hausse de 5,2 % des départs en retraite.
Infirmières mal recensées
Et si les médecins sont en capacité de compter leurs troupes, il n’en va pas de même au sein du corps infirmier, comme l’a déploré Dominique Le Bœuf, présidente du conseil national de l’ordre des infirmiers. «
Nous disposons de très peu de données concernant la démographie et la pratique infirmière. Nous sommes environ un demi-million de membres, mais lors de la première campagne d’inscription à l’ordre, lancée à l’automne dernier, entre 40 et 60
% des dossiers ne sont pas parvenus à leur destinataire… Il existe donc une impérieuse nécessité d’une démographie fiable et suivie pour répondre aux besoins de santé identifiés
», plaide la présidente.
Des besoins de santé qui ne vont cesser de croître dans les prochaines décennies au vu du vieillissement de la population. Dans trente ans, 4
millions de personnes seront âgées de plus de 85
ans en France. Le phénomène de la dépendance sera autant un enjeu politico-économique qu’en enjeu sanitaire ont prévenu les ordres. Dans ce contexte, les pouvoirs publics doivent lever un paradoxe, déclare Dominique Le
Bœuf: «
On ne peut pas, d’un côté, dire que les infirmières sont au cœur de l’édifice de soins et admettre, de l’autre, que près d’une sur deux soient aujourd’hui perdues de vue
!
»
Françoise Vlaemÿnck
1- Cnam: Caisse nationale d'assurance-maladie.