Médecins du Monde a présenté hier une série de propositions aux candidats à la présidentielle, afin d’améliorer l’accès aux soins des personnes précaires.
« Notre système de santé solidaire, longtemps présenté comme “le meilleur au monde”, est malade, et ce sont les personnes précaires qui en souffrent le plus. » Le constat, sans appel, est porté, chiffres à l’appui, par Olivier Bernard, pédiatre et président de Médecins du Monde (MDM). « Un quart des personnes qui consultent les équipes de Médecins du Monde se font soigner trop tard, 85 % n’ont aucune couverture maladie, 68 % des femmes enceintes n’ont pas accès aux soins prénataux, et 70 % des enfants de moins de 6 ans ne sont pas à jour de leurs vaccinations ni suivis en PMI », souligne-t-il. « Pourtant, sacrifier la santé publique est un non sens économique (…) se soigner plus tard, pour des soins plus lourds, revient plus cher à la collectivité », tempête le président de Médecins du Monde.
« Des politiques qui rendent malades »
« Restes à charge, franchises, obstacles financiers et administratifs aux soins, pénalisent les plus pauvres, pour qui la santé est devenue un produit de luxe », constate Médecins du Monde. Mais l’ONG dénonce plus encore l’effet des « politiques répressives menées depuis quelques années, qui aggravent encore la situation, en générant ruptures de soins et risques sanitaires accrus. » Premiers touchés : les personnes étrangères, les usagers de drogue, les personnes se prostituant, les Roms les populations sans domicile fixe. Directeur des missions France de Médecins du Monde, Jean-François Corty prend pour exemple « le travail de vaccination contre la rougeole et les traitements mis en place l’année dernière à Marseille par les équipes de MDM… qui ont été interrompus par les expulsions. » Une absurdité, pour ce médecin, qui rappelle que « quand vous évacuez des squats régulièrement, quand vous mettez des gens à la rue, vous créez les conditions de dégradation de la santé mais aussi d'émergence de la maladie. »
Interview vidéo du Dr Jean-François Corty
Le « traitement » proposé par Médecins du Monde
Réclamant « un traitement d’urgence » du système, Médecins du Monde lance donc un appel aux candidats à la présidentielle. L’ONG demande notamment la suppression du droit d'entrée de 30 euros pour pouvoir bénéficier de l'aide médicale d'Etat (AME), et préconise de porter le niveau d'attribution de la CMU complémentaire au niveau du seuil de pauvreté, car aujourd’hui, un nombre croissant de personnes sont considérées comme « trop riches » pour avoir le droit à la CMU complémentaire, tout en étant « trop pauvres » pour pouvoir se payer une mutuelle. Médecins du Monde demande aussi à ce que soit mis fin aux expulsions durant les campagnes de prévention et de vaccination, et milite pour le rétablissement d’un véritable droit de séjour pour les personnes gravement malades. L’ONG plaide aussi pour la réorientation des crédits vers « des approches de réduction des risques » en faveur des usagers de drogue, appelle à supprimer le délit de racolage passif, qui éloigne les personnes se prostituant du soin, et suggère de développer des solutions d’hébergement ouvertes toute l’année, et les équipes mobiles en psychiatrie de proximité pour les personnes SDF.
Campagne de sensibilisation
L’ONG sera-t-elle entendue ? Olivier Bernard, qui dit s’être « longuement entretenu » avec les conseillers santé de l’UMP, du parti socialiste, et d’Europe-Ecologie-les Verts, reconnaît « avoir eu peu d’échos. » « Au-delà de quelques pistes intéressantes sur les inégalités régionales de santé, ou les dépassements d’honoraires, la santé peine à émerger dans les discours des candidats. Sur le système en lui-même, sur les réponses à apporter pour répondre à la détresse des plus fragiles, j’entends peu, ou pas grand chose », commente-t-il. Médecins du Monde n’entend pas désarmer pour autant : afin de sensibiliser l’opinion publique, une caravane, présentant ses actions et sa campagne « 2012, Votez santé ! », sillonnera la France, au départ de Lyon, à compter du 7 mars prochain. L’occasion, pour tout un chacun, de s’emparer du débat.
Emmanuelle Debelleix