19/12/2008

Psychiatrie : la colère

Tout a commencé le 12 novembre dernier, lorsqu’un étudiant a été assassiné dans les rues de Grenoble, par un malade schizophrène qui venait de fuguer de l’hôpital de Saint-Egrève. La très vive et très rapide réaction du Président de la République a pris la forme d’un « plan de sécurisation des hôpitaux psychiatriques », présenté lors d’un discours à Anthony le 12 décembre dernier. Ce discours, comme le fait divers qui l’avait inspiré ont été surmédiatisés. Le directeur de l’hôpital de Saint-Egrève d’où s’est échappé l’agresseur a été suspendu sur ordre de l’Elysée, et le préfet remercié.

Le nouveau plan prévoit notamment une réforme de la loi sur les régimes d’hospitalisation (actuellement, trois formes d’hospitalisation existent : l’hospitalisation libre, l’hospitalisation à la demande d’un tiers, l’hospitalisation d’office qui émane du maire ou du préfet et ne représente que 2% du total des hospitalisations), la création de chambres d’isolement supplémentaires, le renforcement de l’obligation de soins, y compris en ambulatoire. A cet égard, les modalités d'une future mise en application de l'"obligation de soins effective" seront déterminantes, font observer les professionnels de la psychiatrie, qui attendent de les connaître pour se prononcer. Nicolas Sarkozy a par aiileurs annoncé l’instauration du port de bracelets électroniques pour prévenir les fugues de certains malades jugés dangereux.


Ces mesures, guidées par une vision plus sécuritaire que sanitaire, n’ont pas manqué de provoquer une levée de boucliers. Le 15 décembre dernier, deux pétitions voyaient le jour pour dénoncer « la nuit sécuritaire » et réclamer un nouveau plan de santé mentale.
Parallèlement, 14 organisations regroupant psychiatres, soignants, établissements hospitaliers, patients et familles ont publié un communiqué dans lequel ils proposent cinq axes pour un futur projet de réforme de la psychiatrie.
Personne ne peut nier que la psychiatrie publique se porte mal.
Un collectif de soignants en psychiatrie, regroupant trente-neuf psychiatres, infirmiers, psychologues et travailleurs sociaux, a lancé le 14 décembre un appel (1). Ils dénoncent et s’opposent à « une relance de la politique de la peur » et « des mesures sécuritaires inacceptables », justifiées « en amalgamant la folie à une pure dangerosité sociale » et en « assimilant d'une façon calculée la maladie mentale à la délinquance ». Et de continuer en ces termes : « Nous, soignants en psychiatrie, n'acceptons pas que la plus haute autorité de l'État répande de tels propos, qui laisseraient croire que les personnes atteintes de troubles psychiques font bien plus souffrir la société que celle-ci ne les aliène. Nous n’acceptons pas non plus que ces citoyens soient jetés en pâture à la vindicte populaire pour maintenir de manière forcenée, irresponsable, le ferment de la peur. (…) Nous refusons de voir la question des soins psychiques réduite à un pur contrôle sécuritaire criminalisant outrageusement la maladie mentale. »

Affaire à suivre.

Lise Kipman

(1) Consulter l’ « Appel des 39 » sur http://www.collectifpsychiatrie.fr/phpPetitions/index.php?petition=1

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