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02/02/2022

Psychiatrie : les soignants demandent des « actions concrètes »

Suite au cinquième Comité stratégique de la santé mentale et de la psychiatrie, douze organisations du secteur déplorent qu’Olivier Véran n’ait pas pris la mesure « de l’urgence et de la gravité de la situation de crise ». En attendant, le secteur souffre fortement des fermetures de lits et de départs massifs de soignants.

Le discours était destiné à galvaniser les acteurs de la psychiatrie, il n’aura finalement provoqué chez les soignants que de l’incompréhension et de la colère. Lors du cinquième Comité stratégique de la santé mentale et de la psychiatrie (CSSMP), qui s’est tenu le 19 janvier, le ministre de la Santé, Olivier Véran, a certes salué l’engagement des professionnels du secteur. Mais il les a surtout appelés à se mobiliser pour amplifier la mise en œuvre de la feuille de route « santé mentale et psychiatrie », qui comprend une cinquantaine d’actions organisées autour de trois axes… Or, c’est un sujet qui fâche. « Manifestement, la mesure de l’urgence et de la gravité de la situation de crise que connaît la psychiatrie publique dans notre pays est loin d’être prise en compte alors que nos établissements sont confrontés à des départs massifs et sans précédent de praticiens, même chevronnés, aggravant ainsi une démographie médicale déjà en pénurie », ont déploré douze organisations dans un communiqué.

La psychiatrie en établissement délaissée

Les professionnels poursuivent en dénonçant « les fermetures de lits, voire d’unités entières » qui « se multiplient, forçant des restructurations particulièrement délétères pour la prise en charge des patients dans des conditions souvent intolérables ». Enfin, ils reprochent au ministère de ne prendre « aucune mesure concrète de nature à améliorer l’attractivité de la discipline mais bien au contraire des “actions phares” centrées sur la santé mentale et reléguant la psychiatrie au magasin des accessoires ».

« Ce qui nous choque, c’est l’impression que la psychiatrie n’est pas considérée comme une vraie discipline médicale, avec des soins techniques, détaille Annick Perrin-Niquet, présidente du Comité d’étude des formations infirmières et des pratiques en psychiatrie (Cefi-Psy), signataire du communiqué. Nous avons l’impression que seule une certaine psychiatrie est écoutée au sein du ministère, celle qui voudrait que l’on soigne à l’extérieur des établissements. » Résultat : les praticiens ont tendance à partir dans le privé ou à s’installer en libéral, tandis que les infirmières quittent carrément la profession. Avec un double effet pervers : non seulement les services de psychiatrie peinent à recruter, mais en plus, « de jeunes soignants très motivés arrivent dans des équipes où il n’y a pas d’anciens pour les aider ».

Muscler la formation et alléger certaines tâches

Pour remédier à cette situation, le Cefi-Psy prêche pour une formation spécialisée en psychiatrie à destination des soignants déjà en activité, entre la formation initiale et la pratique avancée. Au programme : l’approfondissement clinique de la psychopatholgie des trois âges de la vie, des connaissances en cognition (afin de mettre en œuvre les thérapies cognitivo-comportementales prescrites par les médecins) et enfin du positionnement relationnel, vis-à-vis des patients agressifs par exemple. « Actuellement, tout ce qu’on propose aux infirmières est la formation continue, mais elles n’en profitent que rarement car elles ne peuvent quitter leurs services en sous-effectifs », regrette Annick Perrin-Niquet. « Le grand écart entre moyens annoncés et possibilité de mise en œuvre contribue à l’évidence au découragement des équipes de soins », remarquent d’ailleurs les organisations signataires du communiqué, qui pointent que « les projets ne peuvent voir le jour faute de professionnels à recruter ». Pour Annick Perrin-Niquet, une solution serait de décharger les infirmières de certaines tâches administratives qui leur sont « attribuées […] par facilité ». « Aller chercher des médicaments à la pharmacie, du linge, porter des courriers, cela embolise du temps relationnel, lâche-t-elle. Or, en psychiatrie, la première fonction de contenance, c’est d’être auprès des malades. »

Hélène Colau

À LIRE ÉGALEMENT

- Martin L., « Les mesures annoncées lors des Assises de la santé mentale doivent être suivies d’effet », sur Espaceinfirmer.fr, le 04/10/2021.

- Laborde T., « Olivier Véran : pas de grandes annonces pour la psychiatrie », sur Espaceinfirmer.fr, le 21/01/2021.

- Laborde T., « Covid-19 : la psychiatrie délaissée et anxieuse », sur Espaceinfirmer.fr, le 02/04/2020.

Les dernières réactions

  • 04/02/2022 à 14:21
    roger94
    alerter
    Et pour couronner le tout, la T2A (Tarification à l'Activité) qui a déjà fait tant de mal au secteur public hospitalier, va être mise en place progressivement en santé mentale à partir de cette année ! On cherche des patients et des prises en charge rentables, financièrement "optimisées" avec une mise en concurrence des centres de soins entre eux... les "moins bons" seront, au nom de la sacro-sainte "Qualité" (version techno), peu à peu étranglés financièrement (faute d'atteindre les objectifs chiffrés qui à leur tour conditionnent les financements). Votre couleur ? le noir... Votre avenir ? Le mur... dans lequel ces politiques déjantées et comptables nous envoient !
  • 09/02/2022 à 14:39
    Comlan AMANGNON
    alerter
    La réaction a été supprimée car elle ne respecte pas la charte du site.

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