01/12/2008

Psychiatrie : un groupe de 13 professionnels propose de confier à l’infirmière la coordination entre les différents acteurs de la prise en charge

Un groupe de professionnels de santé propose de faire de l’infirmière le professionnel référent chargé d’assurer la coordination entre le psychiatrique, le médico-social et le social dans le cadre d’une refonte de la prise en charge des patients en santé mentale.
Composé de 13 personnes (dont des directeurs d’hôpitaux, un assistant social, des psychiatres et une infirmière cadre de santé (1)) et animé par Michel-Léopold Jouvin, ce groupe de travail a remis un rapport (2) de 31 pages à la commission que préside Edouard Couty sur l’organisation des prises en charge en psychiatrie et santé mentale. La commission Couty, installée par la ministre de la Santé le 7 juillet dernier, doit elle-même remettre son rapport à Roselyne Bachelot à la mi-décembre.
Dans l’introduction à son rapport, intitulé Note et propositions portant contribution aux travaux de la commission Couty, le groupe des 13 déplore que la mise en œuvre de la politique de secteur dans le domaine de la psychiatrie se soit éloignée de « sa conception originelle » qui était « d’assurer à tout patient une garantie de prise en charge dans la continuité et la proximité ».
« La coordination entre les divers acteurs qui peuvent concourir à traiter des patients atteints de troubles mentaux ou de handicaps psychiques reste trop souvent insuffisante », constatent les auteurs.


Professionnel référent
« A l’instar de ce qui se fait dans des pays voisins, il paraît opportun de désigner un professionnel référent, en l’occurrence infirmier qui serait le correspondant des médecins généralistes », suggèrent-ils. Pourquoi choisir un infirmier ? Il se trouve qu’aujourd’hui, « très souvent, les infirmiers sont la cheville ouvrière qui va être à l’origine de la prise en charge », constatent-ils.
La technique du professionnel de santé référent, expérimentée aux Pays-Bas, se révèle « très efficiente », selon le rapport, en ce qu’elle permet au médecin généraliste, souvent « le premier acteur à intervenir dans le champ du soin », notamment pour des états dépressifs, « d’avoir une aide spécialisée à sa disposition et ainsi, d’éviter les hospitalisations injustifiées », voire les prescriptions excessives de psychotropes.
Ce professionnel référent, conçu sur le modèle anglo-saxon du « case manager », serait aussi l’interlocuteur référent des patients suivis. Ses larges prérogatives lui permettraient de faire l’interface entre ce qui relève du soin et ce qui relève du médico-social ou du social. Seraient ainsi « évités des retards dans la prise en charge et notamment dans l’ouverture de dossiers nécessaires à l’accompagnement du patient », comme par exemple une demande d’allocation logement ou d’allocation pour adulte handicapé (AAH), estiment les auteurs.


Responsabilité et formation
Pour rendre les choses plus aisées, les 13 suggèrent d’octroyer à l’infirmier référent « un droit de tirage a priori », autrement dit, la possibilité de déclencher sans délai « la mise en œuvre des allocations nécessaires à la prise en charge du patient ». En contrepartie, l‘infirmier référent, « porterait la responsabilité de sa décision ». Si une telle organisation ne s’inscrit pas dans la tradition française, observent les auteurs du rapport, « tout montre qu’un acteur professionnel responsabilisé et dûment récompensé pour son engagement est toujours fondé à augmenter ses performances ».
Pour accompagner cette révolution dans les pratiques, le rapport Jouvin préconise de mettre en place une politique de ressources humaines adaptée : « Afin d’optimiser la gestion des ressources humaines dans un dispositif territorial, il devrait être possible de recruter des personnels contractuels (…) Une telle démarche supposerait que l’établissement de territoire puisse être, dans certaines circonstances, acheteur de prestations. »
Michel-Léopold Jouvin proposent de réformer la formation des professionnels exerçant en psychiatrie et en santé mentale. « Pourquoi ne pas concevoir qu’un médecin, un infirmier, un psychologue, un assistant social, etc. ont besoin de compétences communes dans leur pratique ? », s’interrogent-ils avant de proposer « un système d’unités capitalisables », qui, ajoutent-ils aurait l’avantage d’être compatible avec l’intégration des filières au schéma universitaire européen LMD (licence-master-doctorat).
Plus spécifiquement, en ce qui concerne les infirmiers, si la mise en place d’un diplôme commun « a représenté une avancée certaine en matière de reconnaissance des titres et des métiers », les auteurs déplorent « qu’alors que les infirmiers ont progressé dans leurs compétences et leur capacité à exercer des soins somatiques en psychiatrie, il reste des insuffisances en matière de formation spécialisée ».
Le tutorat mis en place dans de nombreux établissements spécialisés présente des inconvénients, ajoutent-ils, et notamment une déperdition de temps soignant.
Il paraîtrait donc opportun aux auteurs du rapport d’envisager, en se fondant sur le principe des unités capitalisables, la mise en place de formations « à géométrie variable » pour les infirmiers. « Si le programme était redécoupé en unités de valeurs, il serait possible de permettre aux intéressés, pendant leur cursus mais aussi au-delà, d’accumuler des unités capitalisables plus spécialisées dans un domaine ou un autre. »


Délégations de tâches et T2A
Au chapitre des délégations de tâches, les auteurs constatent qu’il en existe déjà « de facto » en psychiatrie. « Le médecin psychiatre n’est plus systématiquement en première ligne lorsqu’il s’agit d’un primo entretien avec un patient », soulignent-ils. Il n’est pas rare qu’une infirmière s’en charge, voire un psychologue ou une assistante sociale. Pour Michel-Léopold Jouvin et ses collègues, il conviendrait de « formaliser ces délégations de tâches de manière claire ».
En ce qui concerne le financement de la prise en charge en psychiatrie, les auteurs se prononcent clairement en faveur de la T2A (tarification à l’activité), aujourd’hui appliquée uniquement dans le champ du MCO (médecine-chirurgie-obstétrique).
En conclusion, les auteurs affirment se tenir à la disposition de la commission Couty pour développer leurs propositions et formuler des modalités précises de mise en œuvre dans l’hypothèse où certaine de leurs idées seraient retenues.


C. A .



(1) Francine Chaumet, cadre supérieur de santé au Centre hospitalier interdépartemental de Clermont Oise, spécialisé dans la lutte contre les maladies mentales.
(2) Rapport consultable sur www.apmnews.com/documents/Jouvin_Psychiatrie_qkc78u.pdf

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