Cantonnées à des postes de techniciennes, les infirmières françaises émigrant au Québec réclament le statut de clinicienne. La ministre déléguée aux Français de l'étranger vient d'annoncer la création d'un groupe de travail.
« On recrute les Françaises pour faire les bouche-trous, mais on ne nous reconnaît pas à notre juste valeur. » Julie Royer-Guillot, 39 ans, n'a pas encore traversé l'Atlantique, mais elle sait déjà que le Québec n'a rien d'un Eldorado. Cette maman de trois enfants, infirmière aux urgences, s'expatrie pour suivre son mari.
Grâce à l'arrangement de reconnaissance mutuelle (ARM) signé par la France et le Québec en 2010, son DE sera reconnu dans la Belle province et elle n'aura pas à passer l'examen professionnel de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ). Depuis 2010, 615 infirmières françaises ont émigré au Québec, où la pénurie est forte et le salaire plus élevé qu'en France.
Injustice
Seule ombre au tableau : les soignantes françaises doivent se contenter d'un statut d'infirmière technicienne, une sorte d'« aide-soignante améliorée » selon Julie Royer-Guillot. « On pique, on panse et c'est tout. On ne peut pas faire de prévention, d'éducation thérapeutique, de santé au travail, de périnatalité. On ne peut pas travailler en centre communautaire », énumère-t-elle. Au Québec, ces responsabilités - et le salaire qui va avec - sont l'apanage de l'infirmière clinicienne, titulaire d'un baccalauréat en sciences infirmières (niveau bac+3). L'infirmière technicienne, elle, n'a qu'un diplôme d'études collégiales (DEC) en soins infirmiers, formation en trois ans de niveau bac+1.
Alors que l'ARM précise que la formation française « comporte au moins 1 395 heures d'enseignement théorique et clinique de plus que le DEC québécois », empêchant les infirmières techniciennes québécoises d'exercer en France, Julie Royer-Guillot ne comprend pas pourquoi, outre-Atlantique, le DE français est considéré comme équivalent au DEC. « Il n'y a pas de mutualité », lâche-t-elle.
Un sentiment d'injustice partagé par les quelque 400 soignantes du Regroupement des infirmières françaises au Québec (Rifq), qui tentent de faire entendre leur revendication statutaire auprès des ministères de la Santé et des ordres infirmiers français et québécois.
Diplômées de 2012
Reconnaissant les difficultés rencontrées par les soignantes françaises, la ministre déléguée chargée des Français de l'étranger, Hélène Conway-Mouret, vient d'annoncer la création d'un groupe de travail sur la question du statut. Quant au ministère de la santé québécois (2), selon l'OIIQ, il serait disposé à accorder le statut de clinicienne, et une rémunération supérieure, aux diplômées du nouveau programme, reconnu de grade licence.
Mais, quid des diplômées avant 2012 ? « Les programmes de 1992 et de 2012 ouvrent aux mêmes postes ici. On a le même DE et une expérience qu'elles n'ont pas », plaide Julie Royer-Guillot. Des arguments qui n'ont pas encore convaincu les établissements québécois.
Aveline Marques
1- Source : Ordre des infirmières et infirmiers du Québec.
2- Le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec (MSSS) n'a pas donné suite à nos demandes d'informations.